19 février 2014

Encore et toujoours.....

La gloire

Ainsi me promené-je radieux jeudi dernier, au rayon lingeries des Galeries Lafayette, à l’heure du déjeuner que la secrétaire expédie d’un bec distrait pour avoir le temps de renouveler ses dentelles. Je méditais sur la vanité des choses sans perdre de vue ces doigts blancs- z- aux ongles rouges frôlant d’un geste sûr et précis les soies diaphanes et lumineuses des dessous affolants pour nos sens interdits!
J’allais d’un pas moyen dans ces allées exquises, dardant au dessus de l’intouchable gynécée un œil faux-cul d’homme d’affaires pressé cherchant le rayon fumeurs, quand je vis venir vers moi un couple tout à fait insolite en ces lieux. C’était deux vieux et gros glébeux à trognes cuites, extradés du Bas-Poitou par quelque noce à Paris. Ils portaient sur le dos les stigmates indélébiles de quarante ans d’emplettes aux "Dames de France" de Champfleur-sur-Yvonne. Lui arborait une casquette neuve plus fluo qu’écossaise, au dessus d’une capote apatride où se dandinait sa couenne. Elle, radieuse à l’aube de son troisième âge, bloubloutait ses excédents dans un deux-pièces montgolfière. Gras dessus, gras dessous, ils obstruaient sans malice l’allée des petites culottes et s’imposaient à moi.
Quand ils ne furent plus qu’à un pas de votre serviteur l’opulente cocochamelle s’arrêta pile, stoppant du même coup son cromagnon qui manqua de piquer du nez dans un mannequin enguirlandé de chiffonneries noires et rouges plus érotiques que 6 semaines à Bangkok.
- Ah ben ça alors! Ah ben vingt Dieux! Ah ben si j’ m’attendais! beuglait super-molle – car c’était elle – dans l’oreille de son brontosaure à betteraves.
- Qu’ess t’y a don ma vieille? s’interloqua-t-il en regardant dans la même direction qu’elle, c’est-à-dire vers moi.
En réalité elle ne me regardait pas, au sens humain du mot, c’est-à-dire que ses yeux n’étaient pas dans les miens mais un peu à côté. C’était – comment dire? – un de ces regards qu’on jette aux objets, un regard dont à juste titre on n’attend rien en retour, un regard pour bibelot, un regard pour l’horaire affiché dans les gares. Avec, en prime, un étonnement majuscule comme s’il s’était agi des horaires du train fantôme.
- Qu’ess t’y a don ma vieille?
- Ben tu vois don pas çui-là, insista-t-elle en le poussant d’une main vers moi tout en me tirant vers lui par l’épaule, ce qui ne fit que renforcer en moi l’idée que je me faisais de son incroyable mépris à mon endroit…
- Mais r’gard’don, Raymond bond là, ce type-là, tu vois bien qui c’est!
- Ah non. Qui c’est don?
- M’enfin, c’est le con de la télé.
Et lui : "Ah putain! C’est le con de la télé! (A moi :) C’est bien vrai? Vous êtes le con de la télé?

Avouez quand même que le con de la radio, c’est moins voyant!
Chroniques de la haine ordinaire / Éditions du Seuil, Tôt ou Tard /

3 commentaires:

manouche a dit…

J'en veux une de Cocochamelle !

le bourdon masqué a dit…

Frou-Frou chantais-je avec Gabin dans cette "Grande Illusion".
Bzzz...

Mek a dit…

Hyper mal écrit, mais chute sublime.

Manifeste

On m'a dit : "Fais des chansons comme-ci" On m'a dit : "Fais des chansons comme-ça" Mais que surtout ça ne pa...