31 mai 2010

En caisse

L’envie de faire demi-tour me tente fortement mais je sais que je dois y entrer pour faire le plein du frigo. Je respire un grand coup en mettant mon jeton dans le chariot et j’entre dans la galerie marchande. Trois quart d’heure plus tard, après avoir erré dans les rayons et remarqué les prix de plus en plus exhorbitants des produits labellisés bio, je m’avance vers les caisses avec dans mon caddy le strict nécessaire pour nourrir à peu près correctement ma tribu pendant une petite semaine. 
Elle est blonde et souriante, un échange discret avec avec sa collègue de la caisse d’à côté m’apprend qu’aujourd’hui elle fait 15 heures-22 heures. Elle boit un peu d’eau et me raconte que la clim est en panne et que cet hiver c’était le chauffage qui ne marchait plus. Elle se marre en disant que le directeur du magasin s’en fout complètement que les caissières se gèlent l’hiver et crèvent de chaud l’été. C’est vrai qu’il fait une chaleur infernale aux caisses. Sept heures quasiment d’affilée sans un souffle d’air ça fait beaucoup mais c’est presque fini pour elle parce que bientôt elle va partir à la retraite. Elle a cinquante-neuf ans et son chef veut absolument qu’elle aille superviser une des caisses sans caissières que la direction du supermarché met en place petit à petit. Elle refuse, elle s’accroche à son poste. Elle n’a aucune envie de passer sept heures debout à se faire agresser par les gens que les caisses automatiques énervent parce qu’ils n’arrivent pratiquement jamais à se débrouiller tous seuls devant ces machines et qu’ils finissent par perdre le temps qu’ils ont pensé gagner en les utilisant. J’ai décidé de fuir systématiquement les caisses automatiques depuis plusieurs mois et je le lui dis. Elle et ses collègues voient arriver l’installation de ces automates comme autant de mauvais présages. Elle raconte en quelques mots la pression qui monte, les horaires de plus en plus difficiles, le chômage qui menace dans ce supermarché bourré à craquer en permanence dont le chiffre d’affaires devrait permettre de créer des emplois au lieu d’en supprimer. Elle s’inquiète pour celles qui ne sont pas comme elle à quelques mois de la retraite.  Elle dit qu’elle a commencé à travailler à quatorze ans et qu’elle va toucher 700 euros par mois quand elle va quitter son poste. Elle se soucie de savoir comment elle parviendra à boucler ses fins de mois avec si peu mais surtout elle craint que le travail ne devienne encore plus pénible d’ici son départ. "C’est la vie", conclut elle en souriant sous le regard appuyé de son chef  qui a remarqué qu’elle s’était arrêtée de passer ses articles devant le lecteur de codes barres le temps de cette brève conversation. Un sourire et quelques mots d’excuses : "Bon allez faut que je reprenne là, sinon je vais me faire repérer" mettent fin à notre échange. 

27 mai 2010

On the road

Quinze ans, faut que je remonte 15 ans de boulot. Pour avoir peut-être droit à quelques centaines d'euros par mois, faut que je prouve à l'état que j'ai été une bonne travailleuse méritante et régulière, pendant les 10 ans qui précèdent la création puis l'abandon de mon entreprise.Quinze années bien lointaines où je dois fouiller pour retrouver mes contrats d’intermittente du spectacle, un jour ici l’autre ailleurs, un jour habilleuse un autre assistante de plateau, le lendemain autre chose au gré des passages de tournées et des cachets glanés ici et là pendant toutes ces années où je vivais au jour le jour.
Je fouille depuis des heures dans les cartons où des morceaux de ma vie se sont entassés pêle-mêle.Les feuillets égarés un temps côtoient les bulletins de salaire bien rangés des périodes plus stables pour lesquelles les choses sont aussi en ordre que la vie bien rangée qui allait avec.Les souvenirs affluent et je me revois pataugeant dans la boue de festivals d’été bretons et pluvieux ou transpirant sous le soleil du sud lors d’un méga concert de U2. Je revois les visages des gens qui ont partagé avec moi ces moments uniques où le temps n’avait aucune importance. Nous débarquions sur les sites vides et la scène se construisait en quelques heures, nos cantines éphèmères accueillant les techniciens affamés et rigolards. Je me revois fourbue et heureuse d’avoir engrangé pendant quelques jours assez d’argent pour tenir quelques semaines, contente d’avoir glané au fil des rencontres des contacts porteurs de nouveaux contrats et d’autres ballades. J’ai pour souvenirs les voix et les rires et la mémoire des lieux et des gens. J’ai distribué à ceux qui les voulaient toutes les objets glanés au fil de ces concerts. Je me souviens des filles qui ne venaient bosser que pour collectionner les autographes et approcher les stars. Je souris aujourd’hui en me rappelant une belle brune qui arrivait maquillée comme pour un rendez-vous d’amour et qui passait son temps à chercher le regard des musiciens, pestant sur ses beaux ongles peints délavés par l’épluchage de légumes et la plonge qu'elle détestait..
J’ai aimé cette vie, oui, je l’ai aimée, même si les mois qui défilent et la course aux cachets étaient remplis d’incertitude. Le temps a passé, j’ai changé de vie tant de fois et vécu tant d’autres expériences que j’avais presque oublié la saveur ancienne de cette existence bohème. Je me souviens de la tournée de l’idole française, de ses fans déchaînées, de son visage buriné et de la cour de flatteurs le suivant pas à pas. Les journées étaient longues et je me revois descendant du bus à cinq heures du matin et assistant au déchargement des camions, attendant que mon matériel soit acheminé jusqu’au sous-sol où j’installais la cantine. Je revois les visages usés par le manque de sommeil et l’abus de drogues en tout genre jusqu’au bout de la nuit. Je m’endormais chaque nuit dans ma couchette étroite et m’éveillais dans une autre ville, sous un autre soleil, chaque jour apportant son lot de rires et de fatigue. Le visage de Tony le cuisinier me regarde soudain. Ce type vieilli par l’alcool, tournant depuis 20 ans, improvisant chaque jour un festin en quelques heures une fois avalées dès le réveil les bières  nécessaires au déclenchement de sa créativité débordante. Il m’a beaucoup appris et il est assez étrange que son souvenir ne me soit pas plus souvent revenu lorsque je cherchais moi aussi à créer dans la cuisine de mon restau bien des années plus tard. Sans doute avais-je plus besoin à cette époque de me souvenir de ses recettes que de lui. Lui qui est mort comme il le souhaitait en plein milieu d’une tournée, d’un bête arrêt cardiaque. On the Road.

25 mai 2010

Monsanto en Haïti


J'ai lu ce texte ce matin, je tenais à le faire circuler...

Haïti : Monsanto et le "Projet Winner"


Thalles GOMES
Les médias ne parlant plus d’Haïti on se dit que tout s’est bien fini, que la solidarité internationale a permis de faire sortir le petit pays de la crise qu’il a subi en janvier dernier.
Et bien non, en fait tout commence, même si le pays tente de se réorganiser et que la vie reprend doucement son cours Haïti n’en a absolument pas fini avec les crises. Tout au contraire, comme annoncé précédemment les vautours multinationales se sont jetés dessus avec l’avidité des investisseurs découvrant de nouveaux marchés.
L’article de Thalles Gomes traite ici spécifiquement de l’action de Monsanto soutenue par l’USAID, UPS et la Kuehne+Nage qui au sein du Projet Winner (tout un programme) sont entrain de vassaliser entièrement l’agriculture haïtienne à leurs produits.
Moins visible, mais qui causera au final beaucoup plus de dégâts et fort possiblement des dégâts irréversibles cette invasion économique d’Haïti est la digne héritière des agressions coloniales opérées depuis près de 206 ans par les États-unis et la France contre Haïti.
L’entreprise américaine Monsanto a donné des graines transgéniques à Haïti. Ce fait a été dénoncé le 10 mai dernier dans un article écrit par le curé français Jean-Yves Urfié, ex-professeur de chimie du Collége Saint Martial, à Port-au-Prince. Urfiè écrit dans son article : “La société transnationale Monsanto offre aux agriculteurs du pays un cadeau mortel de 475 tonnes de maïs transgénique, avec les engrais et les pesticides associés, qui seront remis gratuitement par le Projet Winner, avec l’appui de l’ambassade des États-Unis en Haïti”. Selon lui, la multinationale Monsanto a déjà commencé à distribuer les graines de maïs transgéniques dans les régions de Gonaives, Kenscoff, de Pétion-Ville, de Cabaré, d’Arcahaie, de Croix-des-Bouquets et de Mirebalais.
La forte répercussion de cette dénonciation a obligé le Ministre de l’Agriculture d’Haïti, Joana Ford, à convoquer une conférence de presse le 12 mai dernier à Port-au-Prince. Le Ministre Ford a affirmé "Haïti n’a pas de capacité à administrer les OGM” avant de démentir que la donation de Monsanto était du maïs transgénique. "Nous prenons toutes les précautions avant d’accepter l’offre faite par la multinationale Monsanto pour recevoir une donation de 475 947 kg de graines de maïs hybride et 2 067 kg de graines de légumes. Nous devons aussi mentionner que, en l’absence d’une loi qui réglemente l’utilisation d’Organismes Génétiquement Modifiés en Haïti, je ne peux pas permettre l’introduction de graines ‘Roundup Ready‘ ou toute autre variété de transgéniques", a souligné le Ministre.
Selon Ford, les graines hybrides dont Monsanto fait la promotion sont adaptées aux conditions tropicales d’Haïti. Ce dont fait partie d’une campagne du Ministère de l’Agriculture pour relancer le secteur agricole après le tremblement de terre du 12 janvier dernier. Le Ministre indique également que dans cette optique plus de 65 000 hectares de terre sont entrain de bénéficier d’une préparation par des tracteurs, des engrais et des pesticides, et les agriculteurs recoivent une formation.
Monsanto elle-même s’est retrouvée obligée de se prononcer sur cette affaire. “Nous croyons que l’agriculture est la clé pour la récupération d’Haïti sur le long terme”, a affirmé la transnationale dans une note publiée sur sa page internet. “Après la catastrophe, Monsanto a donné de l’argent pour le redressement (d’Haïti)”, continue la note, “mais il était évident que le don de nos produits - de maïs et les graines de légumes de qualité - pourrait faire réellement la différence dans la vie des Haïtiens”. Avec cet état d’esprit généreux la plus grande compagnie de semences au monde a résolu de donner à Haïti l’équivalent de 4 millions de dollars en graines de maïs hybride, choux, carotte, aubergine, melon, oignon, tomate, épinard, et melon d’eau. 60 tonnes de ces graines sont arrivées sur le territoire haïtien durant la première semaine de mai. 70 tonnes supplémentaires sont arrivées à Port-au-Prince le 13 mai dernier. Il est prévu que pour les 12 prochains mois 345 tonnes supplémentaires de graines hybrides de maïs soient distribuées aux agriculteurs du pays.
Ouvrir des marchés
Le tremblement de terre du 12 janvier a provoqué la mort de 300 000 personnes et a laissé plus d’un million d’Haïtiens sans domicile. Les conséquences ont été dévastatrices. Mais, bien qu’il ait atteint 7 degrés sur l’échelle Richter, il est peu probable que le tremblement de terre ait détruit les structures de fonctionnement d’une société transnationale comme Monsanto. Le don de 475 tonnes de graines hybrides peut être vue comme une action de générosité de la part de la transnationale envers le peuple haïtien. Cependant les conditions dans lesquelles ce don a été effectuée sont regardées de plus près, cette générosité devient une simple tactique entrepreneuriale pour augmenter les bénéfices.
Les gains de Monsanto de décembre 2009 à fin février 2010 ont été de 887 millions de dollars. Durant la même période l’an passé, ses gains ont été de 1,09 milliard de dollars, ce qui signifie une chute de 19%. Selon Hugh Grant, directeur exécutif de la transnationale, la cause principale de cette chute a été la diminution des ventes d’herbicides et de produits chimiques.
Début avril, durant une conférence en présence d’annalistes, Grant a affirmé qu’il ne pourrait pas recourir à l’augmentation des prix pour contrecarrer cette chute, puisque les agriculteurs ne semblent pas disposés à payer des prix plus hauts pour les nouveaux spécimens de graines transgéniques, dont certaines d’entre elles sont deux fois plus chères que les variétés les plus cultivées aujourd’hui. "Le retour que j’ai des propriétaires fonciers indique que si nos prix étaient différents, la courbe d’adoption des graines serait différente" avait-il déclaré.
Quant il n’est pas possible de faire monter le prix de ses produits, la seule solution pour Monsanto est de contrecarrer cette chute en ouvrant de nouveaux marchés. Et ce n’est pas un hasard qu’à peine un mois après la conférence de Hugh Grant dess graines de Monsanto arrivent à Haïti.
Ce qui n’a pas été dit ni par Monsanto, ni par le Ministère de l’Agriculture haïtien, c’est ces graines hybrides de maïs ne pourront accomplir leurs promesses de productivité et d’adaptation au climat tropical haïtien que si elles sont traitées par les herbicides, les engrais et les produits chimiques spécifiques, qui sont justement produits par Monsanto. Cela signifie que les agriculteurs haïtiens qui reçoivent les graines hybrides ne réussiront à les rendre productives que s’ils acquièrent les herbicides et les engrais de Monsanto.
De plus, les agriculteurs ne pourront pas replanter les graines issuent de ce maïs, puisque l’une des caractéristiques de ces graines hybrides cest que seule la première génération est fertile. S’ils veulent continuer à semer les paysans haïtiens devront acheter de nouvelles graines à Monsanto.
À ce rythme, avec l’augmentation de la consommation de graines et implicitement d’herbicides, d’engrais et de produits chimiques Monsanto, la prévision du curé Jean-Yves Urfié pourra devenir réalité : “Bientôt, il y aura que des graines Monsanto en Haïti. Et alors, ce sera la fin de l’indépendance des agriculteurs”.
Vainqueur
Monsanto n’est pas seule dans cette entreprise. Le transport et toute la logistique de distribution des graines en Haïti se fait au profit de deux autres entreprises américaines : la Kuehne + Nage Emergency and Relief Logistics et l’UPS Foundation.
Ken Sternad, président d’UPS, a insisté pour se prononcer sur cette action : “Cela fait parti de nos efforts continus pour appuyer le redressement d’Haïti, l’UPS a l’orgueil de donner ses services aux bateaux de semences, car le pays commence à se diriger vers la construction d’un avenir soutenable".
Cet “avenir soutenable” dont parle Sternad et qui attire l’intérêt de tant d’entreprises étrangères est définit dans le Projet Winner lancé le 8 octobre 2009 par l’USAID (Agence des États-Unis pour le Développement International) (1). Le Projet Winner investira 126 millions de dollars dans les cinq prochaines années afin de construire une nouvelle infrastructure agricole en Haïti, avec comme objectif l’augmentation de sa productivité. Entre-temps, ce programme fournira une assistance technique spécialisée, en plus de services techniques et des facteurs de production agricoles, comme les pesticides et les engrais.
C’est par ce projet que seront distribuées les 475 tonnes de graines de Monsanto. En fait, ces graines n’arriveront pas directement dans les mains des paysans haïtiens, elles seront tout d’abord acheminées aux magasins administrés par l’USAID et seront ensuite vendues pour un prix “significativement réduit” aux agriculteurs. “Notre but est d’arriver à fournir 10 000 agriculteurs durant cette saison”, indique Jean Robert Estime, directeur responsable du Projet Winner. “Les graines aideront à nourrir et fourniront des opportunités économiques pour les agriculteurs, leurs familles et la communauté haïtienne en général”.
Pour comprendre ce que sont ces “des opportunités économiques”, il faut connaître les acteurs qui sont derrière le Projet Winner. Son directeur responsable, Jean Robert Estime, a servi comme Ministre des Affaires étrangères durant les 29 ans de la dictature de Duvalier en Haïti, époque dans laquelle plus de 30 000 Haïtiens ont été assassinés et le pays a ouvert ses portes aux produits alimentaires étrangers. Grâce à cette ouverture, Haïti importe aujourd’hui 80% des aliments qu’il consomme.
Architecte et coordinatrice du Projet Winner, l’USAID est un organisme gouvernemental américain créé en 1961. Selon sa page internet officielle, il a la mission de “promouvoir les intérêts de la politique externe des États-Unis dans l’expansion de la démocratie et des libres marchés, en améliorant la vie des citoyens du monde en développement”. Avec siège à Washington/DC, l’USAID est présente sur les cinq continents. Son travail appuie “la croissance économique et les avancées de la politique externe des États-Unis”.
Nouveau tremblement de terre
Chavannes Jean-Baptiste, coordonnateur du Mouvman Peyizan Papay (MPP) et membre de la Via Campesina haïtienne déclare qu’en fait “Il s’agit d’un nouveau tremblement de terre plus dangereux a long terme que celui qui s’est déroulé le 12 janvier. Il ne s’agit pas d’une menace, mais d’une très forte attaque contre l’agriculture, les paysans et les paysannes, la biodiversité, les graines créoles que nous défendons, et à ce qu’il reste de notre milieu environnemental en Haïti
Chavannes accuse le gouvernement haïtien de profiter du tremblement de terre pour vendre le pays aux forces impérialistes et aux sociétés transnationales. “Nous ne pouvons pas accepter cela”, fait remarquer le leader paysan, “nous devons commencer la mobilisation contre ce projet, contre l’arrivée de Monsanto en Haïti. Nous avons besoin d’une forte unité en Haïti et d’une forte solidarité internationale pour affronter Monsanto et toutes les forces mortifères qui veulent en finir avec la souveraineté de ce petit pays qui a conquis son indépendance avec le sang de ses enfants et de ses filles dès 1804”.
Comme premier pas dans cet affrontement, le MPP a demandé aux paysans d’enterrer et de brûler toutes les graines de maïs provenant du Ministère de l’Agriculture. De plus, la Via Campesina d’Haïti organise une grande marche les 4 et 5 juin prochains, à l’occasion du Jour International de l’Environnement. La marche partira de la région de Papay à destination de la ville de Hinche, capitale du département Central. (Traduction ALAI)
Thalles Gomes, journaliste brésilien, depuis Port-au-Prince - Haïti.
Source : agence ALAI "Monsanto y el Proyecto Vencedor"
Notes :
[1] Il est a noter plusieurs choses sur l’USAID, cette Agence gouvernementale étasunienne à soutenue en Amérique Latine les pires dictatures et la déstabilisation de plusieurs pays, elle continue d’ailleurs cette mission. Par contre la même USAID se fait en Europe une bonne publicité en soutenant les Révolutions Colorées, elle aide d’ailleurs à la diffusion dans les anciens pays du bloc de l’est d’un petit livre édité par l’Institut Enstein intitulé "From Dictatorship To Democracy" (disponible gratuitement sur internet) et qui indique aux mouvements étudiants et d’opposition desdits pays à renverser le pouvoir en place. En conclusion l’USAID ne promeut absolument pas la démocratie mais uniquement les intérêts des USA et l’ouverture de nouveaux marchés aux entreprises US.

23 mai 2010

Histoire d'eau

- Alors, elle est bonne ?
- Un peu fraîchouille, mais c'est bon de nager...
- Ouais, t'as raison.
- Bon, tu viens alors ?
- Ouais, je viens.

20 mai 2010

Martine et Dominique

Exceptionnellement ce matin j’ai entendu ce qui se disait à la radio. Pour ceux qui n’ont pas lu mon billet publié hier, j’ai  fêté le privilège d’avoir perdu mon travail avant même de  l’avoir commencé, ce qui est une première dans ma longue carrière de travailleuse. Levée tôt, réveillée par un léger mal de tête sans doute occasionné par l’abus de vin d’hier soir, j’avalais donc un âcre mélange d’eau et d’aspirine quand mon oreille s‘est arrêtée sur une information lâchée parmi plusieurs autres du journal de 7h30. Martine Aubry - celle qui a réussi à faire bouffer son chignon à Ségolène – la grande prêtresse de la réconciliation du clan de l'après mai 2007, affirmait que le candidat socialiste aux élections de 2012 serait à n’en pas douter, celui qui aura été choisi par les socialistes, à savoir elle, ou Dominique Strauss Kahn, ou quelqu’un d’autre. Enfin, celui  ou celle qui sera le plus apte à représenter le camp désormais uni pour le meilleur, pour la victoire du socialisme à la française. Parlons-en oui du socialisme. DSK ! Monsieur DSK, patron du FMI, sauveur de la Grèce. DSK, socialiste dans l’âme, qui a contribué, entre autres mesures très favorables au bien du peuple, à la privatisation de France Télécom avec les résultats que l’on sait aujourd’hui : l’enfer pour les salariés et la multiplication des mutations forcées et autres changements de poste imposés. Monsieur DSK, qui pense haut et fort que la mondialisation est une chance, oui une chance. Je ne prétends pas être une experte en la matière, mais il y a déjà plusieurs mois que je suis absolument certaine qu’en 2012, DSK sera élu DEMOCRATIQUEMENT président de la République française et cette préparation psychologique  de nos oreilles en dit long sur le sort qui nous est réservé, à nous qui pensons voter librement pour élire celui qui présentera  sur un plateau nos échines courbées à ses amis de longue date Rockfeller et consorts. Ben oui, c'est comme ça, la puce, moi je l'ai déjà à l'oreille.

19 mai 2010

Un caillou dans ma chaussure

Le téléphone a sonné une fois puis deux puis trois, je n’ai pas eu le temps de décrocher. Le message sur mon répondeur m'a coupé un peu le souffle. Dans quelques jours je devais aller signer le contrat de travail cherché pendant des semaines, ce passeport pour des fins de mois un peu tranquilles. Moi ma tête a entendu le message glissé au milieu de plusieurs autres tous aussi merdiques. Ce boulot n'est plus pour moi. La solidarité familiale face au licenciement brutal d’un frère cuisinier a relégué ma candidature aux fond d’un tiroir où mon CV rejoindra ceux des autres candidats malchanceux. Une partie de mon cerveau se dit que c'est ainsi et un autre morceau de moi enrage et s’interroge. Demain sera un autre jour, la révolte s’évanouit peu à peu dans les verres bus à ma santé et à celle du frère bien aimé qui a pris ma place. Un de sauvé! C'est déjà ça. Zen, me dis-je en contemplant un de mes pieds meurtri par un petit caillou qui s’est glissé dans ma chaussure, t'as sauvé tes mains des blessures. Oups.

18 mai 2010

Pensée du jour


Aussi longtemps qu’on ne le prend pas au sérieux, celui qui dit la vérité peut survivre dans une démocratie.

Nicolás Gómez Dávila
philosophe colombien

17 mai 2010

Marmites communicantes ?

Il est fort probable que dans les semaines qui viennent je ne passe plus beaucoup de temps par ici. Car voilà, c’est fait. Les mois passés à tenter de décrocher un job pour faire bouillir la marmite ont enfin abouti. J’ai retrouvé du travail. Dans quelques jours, je serai debout un matin devant un piano et il faudra bien après un dernier petit café bu sur le coin du bar, que les idées et l’envie me reviennent. Demain je ressortirai mes vestes blanches et les passerai dans la machine à laver pour les remettre dans le circuit si salissant d’une cuisine de restaurant. Sans doute que par moments la fatigue m’amènera encore des larmes de rage au coin des yeux. Sans doute mes mains brûlées et mes doigts tailladés de petites coupures me feront encore souffrir, sans doute serai-je encore emportée par le doute et la crainte de ne pas être à la hauteur. Sûrement que je me dirai à nouveau que ce métier est un véritable enfer. Sans doute ce sera dur d’aller chercher encore en moi l’énergie de lancer la production, de supporter la chaleur, de veiller à la précision des cuissons et d’être au four et au moulin l’espace de ces quelques heures qu’on appelle si justement «  le coup de feu ». J’espère que je  finirai encore chaque service avec l'espoir d’avoir réussi à faire naître des sourires sur les visages et le contentement au creux des estomacs rassasiés. Je m’étais pourtant juré de ne plus jamais refaire ce boulot. J’avais envie d’un travail moins pénible. Je sais tellement la dureté de ce labeur, j’ai tant de souvenirs de services épuisants lus dans les yeux de ceux qui m’ont accompagnée dans mon aventure passée de restauratrice. Mais cette fois ce n’est pas mon bébé que je vais porter à bout de bras, et ça me rassure juste un peu de savoir que je n’aurai en fait qu’à me laisser aller à faire ce que j’ai malgré tout adoré pendant toutes ces années, simplement cuisiner. Peut-être bien que je pourrai de temps en temps sortir la tête de mes gamelles et venir vous causer un peu par ici de marmites odorantes ou de musique ou de tout et de rien de moi ma tête ou de moi mes pieds repartis de concert sur un nouveau chemin.

13 mai 2010

Bidons

Depuis que j'ai décidé de publier une photo de temps en temps sur le nouveau blog du DEFI FOTO, je rêvasse plus que de raison sur la toile à la découverte de regards. Voici les images glanées lors d'une promenade sur le site d'un photographe franco-suisse. Il s'appelle Gérard Benoit à la Guillaume (quel patronyme !) et vous pourrez découvrir son travail en cliquant là.






12 mai 2010

Etre, Simplement

Parce que, -moi qui passe trop d' heures à me mettre la rate au court bouillon avec mes interrogations- quand je m'en vais lire un de ses textes, je vois se dessiner devant mes yeux le sens du mot "Etre".
Faire, oui, ç'est ça l'affaire,  tout simplement et avec bonheur, comme Monsieur Bouchard.



Communiqué de presse
Pour diffusion immédiate
SIMPLEMENT DANS MA COUR
Trois-Rivières, 11 mai 2010... L'artiste-peintre Gaétan Bouchard tiendra son premier vernissage samedi et dimanche les 15 et 16 mai 2010 de midi à 17h00.
Son exposition s'intitule 
Simplement dans ma cour.
L'événement aura lieu simplement dans sa cour, au 1756 de la rue St-Olivier à Trois-Rivières.
L'artiste tire son inspiration des scènes de la vie urbaine. Il nous présente une galerie de personnages connus et méconnus du grand Trois-Rivières.

08 mai 2010

Mal du pays

Sortir, il faut sortir. Trop de temps passé devant l’écran. La crainte de voir le monde se réduire à la lucarne allumée sur cet ailleurs m’envahit depuis plusieurs jours. Je me suis peu à peu réfugiée dans mes ballades virtuelles. Plus de télé, plus de radio, pas de visite au marchand de journaux. Je suis enfermée depuis des semaines, Seules les ballades à vélo en famille rompent la rythme de cette vie quasi végétative. Il faut prendre sur toi et sortir. Les ruelles résonnent du flic floc de mes pas. On dirait un village fantôme. La pluie a chassé les passants, réfugiés derrière les volets toujours clos de leurs fenêtres minuscules. Je me suis souvent demandé comment on faisait pour vivre dans une maison sans lumière. Ici, on ne vit pas dans les maisons. On vit dans la rue, sur les places, dans les cafés. Je passe devant le terrain de pétanque creusé de flaques. Aujourd’hui il n’y a personne. Personne dans les bars, personne sur les places. Disparus les petits vieux qui papotent assis sur la fontaine. La vie est interrompue jusqu’au retour du beau temps. Dès les premiers rayons de soleil, ils pousseront leurs chaises sur le devant des maisons et la vie reprendra son cours. Leurs visages tannés et comme tatoués par la poussière de la terre sèche trimballées par le mistral me regarderont passer sans répondre à mon salut. Je pense à ma Bretagne, au vent humide et vivifiant secouant la lande verte et dense, aux heures passées sur la plage accompagnée par le mouvement de la mer. Je ne peux m’empêcher de comparer les ballades d'antan à celles que je fais ici, sur cette côte sans marées. La Méditerranée charroie plus de plastique et de vieilles chaussures que de bois flottés. La douceur du climat d'ici ne suffit plus désormais à combler ce vide, mon pays me manque et ses gens et son ciel un peu gris et ses brumes matinales sur les remparts et les vagues gigantesques arrosant le passage du Sillon et mes promenades au clair de lune sur la digue, et les cafés, les chants et les cris, les beuveries et les rires et mes amis laissés là-bas. Dans ce coin de Provence je ressens chaque jour l’absence de chaleur des hommes, comme si celle du dehors les avait à tout jamais condamnés à lézarder sans bouger, accrochés à leur coin de terre écrasé par le soleil. Hostiles à l’étranger, accueillant les nouveaux arrivants d’un regard inquisiteur et fermé. Les gens d'ici ressemblent étrangement aux constructions lourdes et ocres qui s’entassent autour de ce village qui n’en est plus un. 

07 mai 2010

Retour de marché

Je déambulais ce matin comme absente sur le marché, mue par une tentative de reprendre contact avec la vie de ce village que la pluie a anesthésié depuis plusieurs semaines. Les gens se promènent nonchalamment d’étal en étal, quelques uns sont attablés à la terrasse du bar de l’aviation, drôle de nom pour un bistrot où trône un gigantesque bouddha qui tourne le dos à la terrasse ensoleillée et émet ses rayons bienveillants dans la salle vide et sombre. Je me fonds à la foule des badauds du vendredi matin. Quelques visages croisés osent un regard direct mais la plupart des autres sont fuyants. Est-ce mon pantalon trop grand enfilé à la hâte ? Ou ma veste de chantier délavée et froissée?  Quelque chose a changé depuis la saison dernière. Je suis happée par le silence relatif de ce marché grouillant pourtant de monde. Je n'entends plus les appels aux chalands, comme si le coeur n'y était plus. Je m’arrête un instant devant les articles savamment déposés là par une dingue de mode italienne qui propose des fringues à un prix qui me paraît presque indécent. Dans sa boutique en plein air se bousculent les dames du village qui ont les moyens de s’offrir ces vêtements aux teintes de saison. Etrange collection de printemps. Les vêtements gris côtoient les noirs. Deux ou trois tuniques fleuries flottent au vent sur leurs cintres. Une dame d’âge mûr et très mince essaie un de ces bustiers rebrodés de dentelle qu’affectionnent tant les femmes d’ici. Découpes asymétriques, un pan par çi, un ruban par là, froufrous ce que je n’arriverai sans doute jamais à porter.  Ah ! la cliente a tiqué sur le prix, ça me rassure. J' entends la vendeuse un peu froissée expliquer d'un ton légèrement pincé que le prix est justifié par la qualité du machin. Son regard se pose sur mes vêtements et elle me toise, sa face plâtrée de fond de teint me dévisageant tout à coup, méprisante. En regardant l'effarante hauteur de ses chaussures dernier cri, je repense à la chanson de Thiéfaine " ...Dans x temps il se pourrait que mes semelles se déconnectent et que tu les prennes sur la gueule..... " et voilà que je heurte quelque chose et entends un « Faites attention Madame ! » Merde, j’ai trouvé le moyen de tamponner un fauteuil roulant. Ma main se pose sur le bras de la femme qui l’occupe et je prononce un « excusez-moi » souriant. Elle me rend mon sourire. Le premier de la journée. Je longe tranquillement les allées tracées par les enfilades de camions stationnés et de bâches tendues. Un jeune type est assis par terre sur un petit tapis et tient un panneau sur lequel je lis « J’ai faim, aidez moi s’il vous plait ». Je remarque qu’il s’est posé juste au coin de l’étal d’un charcutier et je me demande si l’odeur des saucissons et des pâtés n’est pas une bien cruelle épreuve pour lui. J’ai encore dans la main la monnaie du pain acheté deux minutes plus tôt et je la lui tends en m’excusant de ne pas pouvoir faire mieux. Ses yeux se lèvent vers les miens dans une expression de surprise absolue et je déduis que ce matin n’a pas dû être très généreux pour lui. Le marchand d’olives me fait goûter un délicieux mélange d’artichauts et de tomates confites qui réveille mes papilles engourdies de trop de clopes. Je lui fais remarquer que son mélange est délicieux mais que j’ai pas trop les moyens. Il me propose un prix d’ami. Il rit de ma déconvenue quand je vois qu’il ne me reste qu’un billet dans le porte-monnaie. Mais sans scrupules il charge la balance ce qui fait que je dépense ce dernier billet dans sa presque totalité sans même penser à râler parce qu'il est gentil et qu'il a un bien joli sourire. Et nous plaisantons quelques secondes sur la difficulté de la vie ces temps-ci. Je n’ai même plus de quoi acheter la bouteille de rosé qui irait super bien avec. Dommage. Je dépense mes derniers sous dans de belles tomates de pays qui s’avèreront juteuses et goûteuses. Je continue mon chemin jusqu’au regard bienveillant du marchand de pommes de terre qui me fait le kilo à moitié prix sans que j’aie rien demandé. Ma veste de pauvre sans doute. 

Epuiser la lumière

Lu ce texte lors de ma déambulation nocturne
Je l'ai trouvé beau,
c'est chez Meta, c'est par  là :


Elle avançait, engourdie, et la ville n’était qu’une masse blanche, aveugle : assemblage de rues élémentaires, décomposables, informes sous le ciel tronqué.
Elle avançait à l’heure des feintes alcalines, à l’heure des vitrines tapageuses, à l’heure des sirènes de résine lustrées de prouesses anatomiques, à l’heure des pylônes errants délayant leurs exergues d’acier
Et quand la nuit ne retenait plus rien qui vaille,
Elle regagnait sa chambre infime,
S’allongeait à même le carrelage,
Blanche, haletante, plaine étroite livrée aux poulpes
Et elle laissait ses pensées battre l’air de leurs fibres résineuses et tisser l’histoire du monde, l’histoire des corps et de leurs émois orchestrés, l'histoire des courbes et des tangentes et de leurs gestes avalés, et elle pensait aux intentions, aux paroles, aux pensées qui flambent sur les rives limoneuses de la mémoire. Brouillages limite.
On parle trop peu de la capacité qu’ont les corps à épuiser la lumière

06 mai 2010

Hurt

chlorhydrate de fluoxétine*

Je publie ici ce texte publié chez É et chez Gomeux, où il y a un petit bonus intéressant
Peut-être croyez-vous que c'est bien loin de chez nous.
Il est vrai qu'en France, nous avons beaucoup de chance, les nuages meurtriers s'arrêtent à nos frontières et jamais rien de ce genre ne peut nous arriver.
Pour tous les gens qui ont fait le choix de se soigner avec des produits naturels et sains achetés en herboristerie, c'est une sacrée mauvaise nouvelle. 
...Facebookers, twitterers,et autres, à vos copier-coller....


*chlorhydrate de fluoxétine = prozac, prescrit à plus de 34 millions de personnes dans le monde entre 2001 et 2009. (Est-ce qu'un seul organisme chargé de veiller à notre santé a interdit ou émis des réserves sur cette saloperie ?)


Voici ce texte :
L’Armoire aux Herbes, herboristerie ouverte depuis plus de 30 ans, obligée de fermer ses portes

Pour la première fois en trente ans, il n’y aura pas de serre remplie à craquer d’herbes et de fleurs en devenir, pas de merveilleux jardins à perte de vue, pas de production de plantes médicinales, pas de transformation en nos excellents produits de santé. C’est avec beaucoup de peine et le cœur très gros que j’ai dû finalement arriver à cette conclusion, forcée de le faire par la conjecture actuelle.

Ma chère Armoire aux Herbes écoulera cette année les produits qui nous restent, bons au moins jusqu’en 2012, puis, elle devra fermer ses portes. Il est impensable d’engager les frais encourus par une autre saison agricole, tous ces salaires des jardiniers et transformateurs animés par l’esprit le plus pur de la tradition herbale, alors qu’il devient rapidement impossible d’offrir nos produits d’herboristerie aux clients qui les aiment et les réclament dans les magasins de produits naturels.

Nous vivons depuis dix ans sous les menaces, dans un climat d’insécurité et dans la nécessité de tout justifier aux yeux de personnes qui ne connaissent rien de notre réalité. Nous décidons de retirer de sur nos têtes cette épée de Damoclès qui a miné nos énergies et brisé nos cœurs. Nous choisissons la paix et la liberté et la conséquence de choix, c’est le retrait stratégique et volontaire. Après des efforts notoires de démarches auprès de Santé Canada pour faire approuver nos produits afin de tenter d’obtenir les sacro-saints Numéros de Produits Naturels (NPN) imposés, nous avons dû reculer et nous rendre à l’évidence que nos produits tels qu’ils sont ne passeraient jamais cette épreuve pharmaceutisante. Nous n’allons pas nous mettre à faire des teintures dans l’alcool pour satisfaire des exigences extérieures.

Nous n’avons jamais crû en ce processus de « triage » du gouvernement, il faut bien le dire. Une des plus grandes faiblesses de la réglementation des produits de santé naturels vient du fait que les critères d’évaluation et les normes de preuves exigées pour homologuer les produits ont été établis par Santé Canada sans aucune distinction qu’il s’agisse de produits manufacturés par de grandes multinationales ou par des petites et moyennes herboristeries artisanales dont le rôle a toujours été d’offrir un large compendium pour bien servir.

Nous avons pressenti dès 2004 que nous (les petites herboristeries traditionnelles) serions les laissés-pour-compte dans cette histoire. Nous savons que nos produits sont efficaces, que leur innocuité est réelle et que si nos clients y sont demeurés fidèles depuis des décennies, c’est parce qu’ils fonctionnent. Nous ne devrions pas avoir à réparer ce qui n’est pas cassé, à changer ce qui réussit. Nous ne devrions pas avoir à réviser nos formules qui ont fait leurs preuves pour qu’elles soient copies conformes des formules de quelques herboristes du passé ayant été sélectionnés pour faire office d’experts, à changer nos concentrations qui sont parfaitement appropriées, à faire tester chaque année pour des résidus de produits chimiques, nos produits d’herboristerie qui proviennent uniquement de notre terre, celle-ci étant éloignée de toute culture polluante et certifiée biologique et biodynamique depuis l’avènement au Québec de telles certifications.

Pour nous, la plante médicinale est et devrait demeurer un aliment et non une drogue. « Que ton aliment soit ton remède ». Il n’y a aucune différence entre le tonique à l’ail que nous extrayons dans le vinaigre et l’ail que nous mangeons. Ils ont tous deux une indéniable action curative, tout comme nos carottes et notre chou. Une véritable transformation traditionnelle, à échelle humaine, faite dans le respect de bonnes pratiques de fabrication n’en fait pas pour autant un produit de laboratoire mais constitue une méthode visant à s’assurer du service des bonnes plantes pendant les saisons où elles ne sont pas disponibles dans nos champs et dans nos jardins. Comme la choucroute préserve nos choux et les pots de salsa nos savoureux légumes d’accompagnement.

Nous ne croyons pas à l’analyse des principes actifs, à la mesure de quelques éléments, avec la prétention d’assurer ainsi une constance de concentration. Chaque année que le ciel nous donne fait pousser des plantes qui sont quelque peu différentes dans leurs combinaisons d’éléments et ce, pour de bonnes raisons. La standardisation n’a rien à voir avec la qualité. Elle n’est que la preuve d’un produit mort, dans lequel ne coulent plus les sources de la vie qui elle, est d’abord et avant tout changement.

Pour nous, la qualité de nos plantes, évidente à tous ceux qui au fil des ans ont visité et sillonné nos jardins, la qualité vibratoire, malgré le fait qu’elle ne soit pas encore mesurable en laboratoire, a fait ses preuves. Nous sommes fiers de ce que nous avons accompli, fiers de ce qui aura été un beau modèle de petite entreprise honnête, fidèle à ses convictions profondes, heureuse de vous avoir offert nos jardins en gouttes, en huiles et en tisanes.

Nous avons de la peine pour les thérapeutes habitués à soulager la souffrance humaine grâce à nos produits et à ceux de nombreuses autres petites herboristeries. Nous avons de la peine pour les herboristes de demain qui n’auront pas la chance de vivre cet extraordinaire périple qui nous a animés pendant trois décennies. Nous avons de la peine pour les gens qui se verront brimés dans leur liberté de choisir et de juger par eux-mêmes ce qui leur convient, en consommateurs avertis. Nous aurions préféré que l’attention de Santé Canada se concentre sur tous ces dangereux produits de synthèse qui rendent tellement de gens malades ou dépendants, grugeant leur santé déjà taxée par les exigences de la vie actuelle, stressante à souhait. L’automne dernier, j’ai récolté, nettoyé, compté avec amour toutes les semences qui allaient devenir les jardins 2010. Notre ail a été mis tendrement en terre. Cet hiver, j’ai fait naître sur papier les configurations harmonieuses et les compagnonnages qui allaient créer toute cette beauté, planifié l’utilisation de chaque pouce carré de serre afin que tout soit prêt pour une autre saison verte, imaginé chaque engrais vert, chaque semis en succession. Les jardins ont une fois de plus vu le jour dans mon esprit.

Hélas, je sais maintenant que leur descente dans la matière ne se fera pas cette année, et plus jamais dans les années à venir. On ne peut pas prendre d’année sabbatique en agriculture. Rapidement, les jardins, retourneront à la nature sauvage. Il en restera quelque chose, une fertilité étonnante, certaines des vivaces qui résisteront à l’envahissement des adventices, des fleurs qui, du moins les premières années, pourront se frayer un chemin, des êtres invisibles qui, conviés avec respect depuis longtemps, préserveront ce qui peut l’être de ce beau rêve, de ce beau projet dicté non par l’économie mais par une vision spirituelle. Il faut croire que l’heure qui fut n’est plus et qu’elle ne sera plus pour un temps.

Je me rends bien compte que la vision sociale actuelle et celle que je porte ici ne vont pas dans la même direction. Je vois l’intuition comme source de connaissance pour l’avenir. L’intuition et la pensée vivante ainsi que l’évolution de tous nos sens vers la subtilité. La société voit de plus en plus la science comme seule source de vérité, l’analyse laborantine comme seule preuve acceptable de qualité ou d’innocuité et la consommation comme la source du bonheur.

La tenue de dossiers et la somme incommensurable de toutes sortes de documents minutieux et pointus n’améliorent en rien la qualité d’un produit de plante. L’établissement d’une telle panoplie de procédures ne fait que nous distraire de notre véritable travail. Nous sommes des artisans du végétal vivant.. Pas des employés d’une manufacture de produits de plantes. L’amélioration d’un remède à base de plantes ne se produit que lorsque le travail manuel de la terre et le fait d’œuvrer concrètement à la vitalisation de cette dernière permet d’élever des plantes de plus en plus vibrantes et saines. Il n’est pas normal de devoir, dans une herboristerie, sacrifier des jardiniers pour payer des pousseux de crayons ou de touches d’ordi dont le rôle est de satisfaire l’obsession gouvernementale. Je lisais dernièrement ceci :

« L’émission d’une licence de mise en marché signifie que le produit a été examiné par Santé Canada et qu’il est sûr, efficace et de haute qualité sous ses conditions d’utilisations recommandées. »

Quelle illusion ! Quelle délusion ! Bien sûr, lorsque la responsabilité d’évaluer et d’homologuer l’efficacité, l’innocuité et la qualité des produits est dispensée à des gens pour qui toutes les plantes se valent, qui n’admettent pas la valeur ajoutée d’un produit biologique, qui nous avouent n’avoir jamais entendu parler de la biodynamie, pour nous, la marche est haute pour faire valoir notre position et nos priorités.

Ce n’est pas notre mission d’aller dans cette direction. Nous sommes un art du terroir, pas un sous-produit de compagnies pharmaceutiques qui essaient de s’adapter à la vision arhimanique pour être accepté par le système et recevoir l’alléchante permission de pouvoir se vendre légalement. Nous n’avons besoin de la permission de personne pour bien faire notre ouvrage d’herboristes. De toutes manières, ce n’est pas le gouvernement qui sait ce que cela veut dire, ne comprenant rien à notre réalité qui ne les passionne pas. Sinon, ils seraient avec nous dans le champ.

Je crois qu’en dehors de la vitalisation de la terre, seule la joie du travail bien fait, la saine ambiance de travail où chacun se sent valorisé et la conscience d’œuvrer à la guérison peut ajouter quelque chose à la qualité du produit de plante. Nous sommes vibrations en contact avec les vibrations cosmiques. Nous ne sommes pas des objets en train d’en manipuler d’autres. Il y a bien davantage à l’œuvre que des formules chimiques et des données mathématiques. Nous assurons le sauf conduit de formes de vie dans un avenir qui, au fond, fait tout pour rendre l’existence impossible à ses meilleurs apôtres.

J’ai toujours dit que je n’étais pas venue sur la terre pour faire des produits à base de plantes, que ce n’était qu’une excuse pour faire circuler la vie. Ce ne sont pas des gouttes plus ou moins concentrées de substance que j’ai offertes à L’Armoire aux Herbes, mais des jardins biodynamiques en bouteilles, une qualité vibratoire guérissante, une vision de demain, un espoir et une certitude de pérennité. Depuis 30 ans, je ne compte plus les gouttes de jardins qui se sont déversées au quatre coins de la province. Les personnes qui nous cherchaient nous trouvaient. Ma seule consolation est d’avoir fait école et que d’autres, maintenant, comprennent l’importance de demeurer fidèle à l’engagement envers la vie.

Peut-être est-ce le temps pour moi de diffuser l‘esprit sans qu’une somme phénoménale de mon énergie aille au support de la matière ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que j’ai eu la chance immense de vivre sur une terre fertile et hautement spirituelle qui continuera encore longtemps à offrir ses services subtils et à soigner par la conscience. Je ne suis pas attachée au revenu généré par la vente en magasin. Ma motivation n’est pas pécuniaire, ne l’a jamais été. J’ai apprécié les sous générés par ce moment de liberté où nous avons pu offrir le bon sans avoir à prouver autrement que par les résultats obtenus. Il a permis de redonner encore et encore à cette terre d’accueil que nous travaillons sans relâche. Il nous a permis d’inviter une immense variété de plantes, produisant un écosystème heureux et vibrant de santé. Il nous a permis d’avoir la liberté d’offrir des connaissances sans dépendre totalement des retombées financières pour le faire. Il nous a permis de ne pas acheter pour revendre mais de produire en biodynamie, sans jamais négliger l’effort à fournir. Il nous a permis de donner sans compter. Je ne regretterai jamais cela. Même si, finalement, c’est la réalité financière qui force le retrait de cette herboristerie qui a toujours tenté, dans la mesure du possible, de bien payer ses employés, de ne jamais sacrifier la qualité pour la quantité, ni faire des coins ronds.

J’ai toujours vu L’Armoire aux Herbes comme un dispensaire, un vrai, au service de l’humain qui ne peut pas se permettre de payer plus cher pour supporter des laboratoires, des formulaires et des tonnes de papier à noircir. Je préfèrerai toujours noircir la terre en lui ajoutant du bon compost que de noircir du papier. Faudra-t-il attendre l’écroulement du système et l’état d’urgence pour que renaisse le respect des petites herboristeries qui, malgré le fait qu’elles ne peuvent pas se payer le luxe de l’approbation aliénante d’un système à la courte vision et aux valeurs décentrées, ne devraient pas pour autant constituer des hors-la-loi à contraindre et à assassiner ?

Non, je ne vendrai pas à rabais toutes les vivaces qui sont ici. Je respecte trop la terre pour lui arracher ses enfants par les racines pour des raisons économiques. J’ai toujours partagé généreusement mes amies les plantes. De nombreux jardins du Québec sont les rejetons de cette florissante Armoire aux Herbes. Je continuerai à être la gardienne dévouée de cette terre que j’aime tant.

J’aurai beaucoup de peine quand, ayant trouvé pour elles des personnes aimantes et accueillantes, mes juments devront me quitter car je n’aurai plus les moyens de les nourrir, ni d’usage pour leur fumier, source animale de tous nos composts.

J’aurai beaucoup de peine quand on démantèlera la grande serre, afin qu’elle puisse continuer de servir ailleurs, le grand séchoir qui nous a aidé à créer les plus belles tisanes au monde, ceci dit sans le moindre orgueil.

Sachez que je ne suis pas inquiète de ma survie personnelle. On a besoin de peu quand on avance en âge. Ma richesse dans cette vie, ce fut d’avoir vécu pleinement mon rêve, d’avoir généré de tels jardins et d’avoir pu promouvoir, avec leur assistance, beauté, santé et vie de l’âme. Toutes mes économies y sont passées. Et Dieu sait que je ne regretterai jamais d’avoir fait ce choix. C’est ce qui a justifié tout mon enseignement et mes plus belles découvertes.

Il me reste à me mettre totalement d’accord avec ma destinée de maintenant, soit ce retrait et cette imminente fermeture, à cause d’un système politico-social qui manque de vision et de profondeur. Mais c’est là où nous sommes, n’est-ce pas ? Il paraît qu’on a les décideurs qu’on mérite. Cette épreuve deviendra-t-elle une motivation de plus pour continuer de partager la connaissance, la vision d’un avenir où le vivant retrouvera sa vraie place, à la source de nos choix et de nos vies ?

Je me mettrai d’accord avec ce qui se passe. Je ne serai pas une victime. J’y découvrirai ma prochaine étape. Je ne serai pas une « Has been ». Je ferai confiance aux forces spirituelles qui m’ont guidée tout du long et qui savent ce qui est espéré pour cette nouvelle phase de ma vie. Je ne me révolterai pas, je ne me fermerai pas comme une huitre. Je continuerai à supporter les causes qui me sont chères. J’aiderai de mon mieux mes proches et les gens de mon milieu. Et je jardinerai à mon échelle : je ne saurais imaginer ma vie sans un potager, sans quelques îlots dans lesquels j’intègrerai mes plus essentielles alliées. Je demeurerai jusqu’à mon dernier souffle une ardente amoureuse du règne végétal.

Je suis une poupée russe vivante. Je me relève vite et résolument quand on me fait tomber. Je suis aussitôt prête à aller encore plus profondément contacter mon essence pour comprendre et continuer à remplir la mission qui justifie ma présence sur cette terre.

En janvier, j’ai connu l’ablation de ma vésicule biliaire qui s’affaissait et devenait dangereuse de par la présence d’une quantité excessive de pierres. La souffrance précédant l’opération fut extrême. Mon corps en est à réapprendre à fonctionner hors de ses sentiers battus, à emprunter d’autres voies, à s’habituer à l’absence d’un organe, à se rebâtir une nouvelle façon de fonctionner. Vous comprendrez que je ne puisse m’empêcher d’y voir là la symbolique de ce que vit notre société.

On peut couper l’élan à une herboristerie traditionnelle. On peut l’empêcher de vendre ses produits. Mais on ne peut pas démolir une herboriste de souche, une biodynamicienne de cœur, une femme de la terre et une guérisseuse, même si on lui retire le droit d’offrir ses plus beaux fruits.

Je veux remercier ici, de tout mon cœur, toutes les belles personnes qui se sont données sans compter pour que vive L’Armoire aux Herbes : les fournisseurs, les distributeurs, les employés, les jardiniers, les stagiaires, les amis et les fidèles clients, l’Herbothèque et ses étudiants. Et plus particulièrement ma sœur Hélène et mon neveu Frédéric, qui vivent ce deuil de très près avec moi et dont l’amour et le désintéressement adoucissent les jours qui nous restent.

Si vous désirez vous procurer les derniers produits de L’Armoire aux Herbes, faites vite. Ils seront disponibles encore un temps dans certains magasins. Vous pourrez aussi nous les commander directement jusqu’à écoulement des stocks par téléphone, fax ou sur notre site web armoireauxherbes.com

Profitez-en pour aller voir les photos, lire les textes, vous nourrir à cette source qui d’ici la fin de l’année en cours, se tarira ou prendra une autre forme.

Merci d’être là et de croire en une herboristerie qui va au-delà du commerce. Une herboristerie qui a de longues racines et qui, malgré les extrêmes du climat actuel, survivra et fleurira encore et toujours, quelle qu’en soit la forme.

Je vous salue bien bas et vous tire ma révérence,


Danièle Laberge
Herboriste traditionnelle
Maman de la bientôt feue Armoire aux Herbes


NB : Vous avez tous et toutes la permission explicite de l’auteure de ce texte, de le reproduire textuellement et de l’envoyer à tous vos amis et connaissances ainsi qu’à tous les médias de votre choix.

05 mai 2010

04 mai 2010

Joseph Ferdinand Cheval

Un jour, au cours d'une de ses tournées de facteur, son pied heurte un caillou dont la forme l'émerveille. Il le ramasse et met dans sa poche. Et conclut :

"Puisque la nature fait des sculptures, je ferai le reste"


Durant 33 ans, il construit seul, pierre après pierre, son fabuleux palais.
Le facteur Cheval passait pour l'idiot du village, "lou ravi" comme on dit en Provence.

Sur cette terre, comme l'ombre nous passons. 
Sortis de la poussière, nous y retournerons"

Gaston Chaissac #2


HIPPOBOSQUE AU BOCAGE

Extraits de la correspondance de Gaston Chaissac

Décembre 1946

"Je ne suis pas allé chez le coiffeur depuis août dernier. Les coiffeurs nous abîment, ils manquent d'adresse (c'est-à-dire de maladresse) ils ne savent jamais faire une coupe de cheveux qui fait tête de romanichel. Je préfère passer entre les mains des apprentis coiffeurs qui au moins font des coupes de cheveux inédites, mais leurs patrons sont des cons qui ont la marotte de retoucher à leur travail quand il est partculièrement intéressant, ils gâchent tout."



Janvier 1947

"Comme en faisant la vaisselle je ne récure que l'intérieur des casseroles et que ça fait le désespoir de ma femme, j'ai dit à une de ses amies :"Vous ne voudriez pas que j'aie l'amour des culs de casseroles bien récurés ?". Elle en a convenu."

03 mai 2010

Gaston Chaissac

«  Moi qu’on n’utilise pas comme cordonnier sous les prétextes que je ne suis pas 
natif du lieu, que ma femme touche ses énormes appointements d’institutrice, 
que je ne suis pas de leur bord ou bien encore que ma tête ne leur revient pas… » 

« Je suis vendéen, cordonnier, surréel, peintre et poète » 

Gaston Chaissac 

 

Manifeste

On m'a dit : "Fais des chansons comme-ci" On m'a dit : "Fais des chansons comme-ça" Mais que surtout ça ne pa...