Une rue, des passants. Une ville comme tant d'autres. En haut de quelques marches, sur une jolie place, sa boutique, la maison de la Presse de la ville en question. Il est là, il se marre, il écoute du blues en faisant son boulot.
Depuis quelques jours, je passe souvent le voir. Sa boutique est un joyeux bazar. J’y bouquine un peu, je le regarde vivre et travailler. Il s'est installé depuis pas mal d'années dans cette ville. Il s'y est fait sa place, grande gueule, un peu voyou, impressionnant de bonne humeur, toujours détendu, dansant ou allumant sa clope derrière le comptoir ou Mouss lui a déposé comme toujours les pains de semoule et les pâtisseries de ce matin d’Aïd. Un mot pour chacun, un sourire, une vanne, ça bouge, ça rit, ça pulse. Cet homme là est joyeux, tout le temps. Il parle si vite que parfois je ne parviens pas à comprendre ce qu’il dit. Son accent est celui des quartiers nord de Marseille, aussi vif et puissant que l’énergie qu’il dégage, lui qui ne tient pas en place.
Il pleut depuis trois jours, la rivière déborde, les routes sont coupées, les maisons inondées. Tous les clients qui entrent en secouant leur parapluie nous racontent un peu la même histoire, les sirènes, les pompiers, la violence de cette incroyable pluie de novembre, qui est tombée encore toute la nuit. Ce matin, en venant chercher leur exemplaire du journal, certains se sont laissés aller à raconter « leur inondation ». C’est si banal, en apparence, le récit d’un choc : les frayeurs, les dégâts, la fatigue de ceux qui n’ont pas dormi, craignant de voir leurs maisons évacuées, leur voiture emportée par les eaux furieuses.
Ses clients, il les connait tous, leurs prénoms, leurs histoires. Il les écoute. Patient, attentif, moqueur parfois, toujours gentil. C’est un monde à part, la boutique de Franckie. C’est vivant, marrant et bouillonnant, comme lui... C'est tout un monde que je ne connais pas.
De jour en jour, Franck et les siens m’ouvrent leurs cœurs et leurs maisons, les uns après les autres, réveillant cet automne un peu triste d’une chaleur inouïe. J’ai chaud de Zoubida, volubile et rieuse qui me prend dans ses bras et me glisse à l’oreille qu’il faut le rendre heureux. J’ai chaud de voir les gens qui passent me sourire et me saluer d’un air étonné ou complice, quand ils surprennent un regard ou un baiser.
Je me laisse porter, et plus je le regarde, plus je vois ce qu'il est : un homme drôle et vif, conscient de ses failles et de ses blessures, un électron libre et généreux, qui est devenu pour tous ceux qui le côtoient l'étonnant prince un peu fêlé de la place Carami.
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2 commentaires:
hé hééé....:)
Pas eu trop de dégâts, chez toi ?
quelques maisons inondees, et une ambiance de fin du monde pendant une semaine...
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