10 avril 2011

La femme aux cheveux rouges

Je suis la femme aux cheveux rouges, je suis aussi l’étrangère. Les sourires faux et les regards fuyants me le disent depuis longtemps. Ce village ne m’aime pas. Et je ne m’en souciais guère. Non, je ne suis pas d’ici. Ma nature cadre certes mal avec l’indolence d'un village endormi, où les mauvaises langues se cachent derrière les volets clos. Les ragots vont bon train. Oui, on me voit courir beaucoup ces derniers mois, de ce petit restau toujours plein à l’agence immobilière où je travaille aussi, parce qu’il me faut nourrir mes enfants et qu’ici le soleil coûte cher ! Il y a quelques temps, un monsieur me l’a dit : « Hé vous, mais vous êtes partout ! » j’ai souri sans comprendre. Mais lorsque les lettres malveillantes sont arrivées, plus ou moins anonymes, relayant les ragots, je suis tombée des nues ! C’est cette étrange lettre, écrite au patron de ce petit restau ou je bosse chaque jour, qui m’a désarçonnée. Je suis « la serveuse aux cheveux rouges », celle dont on se plaint parce qu’elle est soi disant moqueuse et mal polie. Est-ce parce que jamais je ne ris à leurs blagues racistes, est-ce parce que parfois, un peu lasse, je me contente de faire semblant de ne pas les entendre ? Est-ce parce que je bosse dans la seule agence du village où on ne refuse pas de louer aux basanés, tenue par une femme qui subit elle aussi et depuis des années, des commérages odieux ? Oh, je leur crierais bien ma colère, à tous ces abrutis qui jasent et qui me jugent et m’accusent peut-être aussi de voler le travail de quelqu’un du pays, moi qui ne suis pas des leurs, et dont les enfants sans doute un peu trop colorés se font montrer du doigt et bousculer dans la cour de l’école. Je peste et j’enrage. Mais je ne dirai rien, et je continuerai chaque jour, comme avant, à sourire et à vivre, jusqu’à ce jour je l'espère prochain où je m’en irai me faire ma place ailleurs, loin de la connerie et de l’ambiance immonde de ce village où je sais n’avoir jamais été la bienvenue.

6 commentaires:

gaétan a dit…

Petite mentalité de village...

Gomeux a dit…

C'est 1937 chez vous aussi?
Misère...

anne des ocreries a dit…

Tous les villages ne sont pas ainsi ! chez moi, c'est pas comme ça ; j'avais déjà entendu parler de ces mentalités arriérées du Sud, y a pas, ça ne me donnerait pas envie d'y aller ! quelle bande de pense-petit, ces franchouillards à la petite semaine ! peuh ! devant ça, j'ai même plus assez d'épaules pour les lever !
Mais je te plains. Dès que possible, arrache-toi de là !

piedssurterre a dit…

Anne, je ne suis pas à plaindre.
Ce village n'est qu'un village comme tant d'autres, où ceux qui sont un peu différents sont mal vus. Toi, tu ne sors plus des Ocreries, mais tu es marginale, et quand tu es un marginal, tu dois t'attendre à ce que l'incompréhension se transforme parfois en ragots. Et du ragot à l'intention de nuire, il n'y a qu'un pas, que certains s'empressent parfois de franchir.

anne des ocreries a dit…

bin, écoute, j'ai pas remarqué de vilenies à mon encontre, en tout cas, et les gens me parlent volontiers.....quand je les croise. Evènement, il est vrai, rarissime. :))

piedssurterre a dit…

ben c'est tant mieux :))

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