"Maman ! s'écria-t-il avec une nuance de reproche. Qu'est-ce que tu fais ici ?"
Pas de réponse, mais sa main s'ouvrit et il vit ce qu'elle tenait : une truelle de maçon, celle de son père. Le vacarme de la révolte envahit son corps et son esprit. Sa mère dans les ténèbres de la cabane à charbon avec la truelle de son père. C'était faire intrusion dans l'intimité d'une scène qui n'appartenait qu'à lui. Sa mère n'avait aucun droit de se trouver ici. C'était comme si elle l'avait découvert, lui, ici, commettant un péché enfantin en ce lieu où il se réfugiait si souvent; mais elle était là, tenant la truelle de son père. Pourquoi se comportait-elle ainsi ? Pourquoi devait-elle sans cesse se souvenir de lui, brasser ses vêtements, toucher sa chaise ? Oh, Arturo l'avait vue faire plusieurs fois, contempler la place vide de Bandini à table, par exemple : et maintenant cela, sa mère tenant la truelle de Bandini dans la cave à charbon, gelée jusqu'aux os et insensible comme une morte.Dans sa colère, il donna un coup de pied dans le seau à charbon et se mit à pleurer.
"Maman ! s'écria-t-il pour la réveiller. Quae fais-tu ? Pourquoi estes-t ici ? Tu vas mourir de froid, maman ! Tu vas geler !"
Elle se leva et vacilla vers la porte en tendant devant elle ses mains livides, le visage parcheminé par le froid, exsangue ; elle passa devant lui et sortit sous le ciel sombre du soir. Il ignorait combien de temps elle avait passé là, peut-être une heure, peut-être plus, mais il savait qu'elle devait être à moitié morte de froid. Elle marchait dans un état second, regardant autour d'elle comme si elle découvrait cet endroit pour la première fois.
John Fante
Bandini
3 commentaires:
Joh, Fante. Une sacrée voix, ce gars, une sacrée force d'écrire.
poignante description du désespoir.
Oh oui!
Mais y m'file le blues ...:o))
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