J’accompagnais mes clients chez le notaire pour la signature
d’une vente conclue il y a quelques mois. Ma présence, bien que non
indispensable, me permettant de récupérer au passage le chèque correspondant à
mes honoraires. Le notaire, choisi par le vendeur de la maison, ne m’est pas
très sympathique. Je ne sais pas bien pourquoi. Lors de notre première
rencontre, à la signature du compromis de vente, je le n’avais pas été
franchement séduite par cet homme suffisant, faussement enjoué, et j’avais à peine souri à
ses vannes à deux balles. Je n’aurais pas su à l’époque exprimer clairement ce
qui me mettait mal à l’aise à son contact. Maintenant, je sais. Il se trouve
que j’ai vendu la maison à un commissaire de police. Qui bosse pour la police
des polices. C'est ce qu'il m'a dit. Il
vient de divorcer, il veut acheter une maison. Je la trouve, la lui vend. Le
processus habituel. Il est plutôt sympa. Un peu malheureux. Qu'il soit flic, je
m’en calisse.
Or, hier soir, pendant la signature, le notaire, apparemment désireux de se faire bien voir de ce type qui, ça s'est confirmé, a sûrement le bras long, balance tout
à trac : " Moi, ce que j’admire chez vous les flics, c’est votre
patience, parce que franchement, ces jours-si, faudrait vraiment aller péter la
gueule à tous ces petits merdeux de 15 ans qui cassent les vitrines !" Ben voyons !
Je fais comme si je n’avais pas entendu. Tu n’es pas là
pour ça, me dis-je, alors que l’envie de lui river son clou me démange.
Espérant qu’il va arrêter là, je regarde par la baie vitrée de son bureau grand
standing, luttant contre les larmes de rage qui commencent à monter à mes yeux
rivés sur le feuillage du jardin. Mais non, ça continue.
« De toute façon, c’est les vieux qui posent problème.
Il faudrait une bonne épidémie, ou une bonne canicule ! Dommage qu’on ait
loupé la grippe A ! » Tout le monde s’esclaffe. Sauf moi. Je reste de
marbre.
Mes mots ne sont pas sortis de ma bouche. Je les ai étouffés
soigneusement. J’aurais voulu lui dire, à ce connard, ce que m’inspire sa
suffisance de nanti. J’aurais voulu pouvoir lui balancer à la gueule que son
statut de notable du village, son costume Hugo Boss et son gros 4/4 garé à l’entrée
de l’étude ne font pas de lui l’être respectable qu’il pense être devenu.
Au moment où il me faisait remettre mon chèque par sa
secrétaire, je lui ai adressé, à elle, le sourire qu’elle mérite sans doute
pour avoir la patience de bosser sous les ordres de ce pitoyable pantin, même pas assez éduqué pour lui dire
le "merci, Mademoiselle" que j’ai prononçé moi.
Et, de toutes mes
forces, de toute mon âme, j’ai plongé dans ses yeux à lui mon regard chargé de
tout le mépris dont je peux être capable lorsque je me trouve en présence de morons
dans son genre.
Celui là, je le raye définitivement de la liste de mes
partenaires.
6 commentaires:
y'en a des comme ça par paquets de dix
tu laisses pisser le mérinos!
Je dirais plutôt par paquets de 100 !
Oui, laisser pisser, c'est ce que j'ai fait.
Mais de là à continuer à engraisser ce porc en faisant travailler son étude, ya un pas que je ne franchirai pas.
j'ai même pas de mots - ce genre de mecs, je rêve de les dépiauter à l'épluche-légume, bien doucement......
Je t'admire ! j'aurais perdu mon taf, moi. J'aurai pas su me retenir.
"C'est les vieux qui posent problème".
Lui en est un à tout âge.
Ya vraiment une quantité effarante
de coups de pieds au cul qui se perdent.
Oh là là. Quel air du temps qui pue ! J'ai entendu le même genre de propos à la radio. "je suis tanné d'entendre des vieux de 70 ans dire quoi faire aux jeunes de trente-cinq ans" en parlant de syndicalisme et de protection sociale.Les manifs en France, pour ce connard, c'était in qu'des paresseux.
Mais ton notaire, on sent bien à quel point ça va loin.
« De toute façon, c’est les vieux qui posent problème. Il faudrait une bonne épidémie, ou une bonne canicule ! Dommage qu’on ait loupé la grippe A ! »
Hé ben, le discernement et le savoir-vivre ne s'achète pas faut croire.
Ma consolation est qu'il sera vieux un jour lui aussi...
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