31 octobre 2010
30 octobre 2010
La reprise du travail est prévue dans les raffineries et les transports.
Encore une fois, la grève générale a failli avoir lieu.
J'espère un sursaut dans les semaines à venir, mais mon moral est en berne.
Re-traite, prolongement de la traite, ai-je lu quelque part hier.
Comment est-il possible qu'une majorité les français ne comprennent pas que c'est à cela qu'on veut les amener ?
Trop occupés à regarder TF1 devant leur écran plat ?
27 octobre 2010
Momo
Je vois Momo tous les jours. Le petit snack où je suis
serveuse à mi-temps est son repaire du déjeuner. L'assistante sociale a beau la seriner avec ses recommandations d’économies, rien n’y fait. Momo mange là tous les midis,
c’est un peu sa maison et les patrons du snack sa famille.
- Elle se rend pas compte que c’est tout ce qui me reste
comme plaisir dans la vie, c'te conne ! De toute façon, que je mange ici ou chez moi, à la fin du mois j'suis raide, alors hein qu'est-ce que ça change ?
Sa voix rauque est rongée par les clopes qu’elle allume
l’une derrière l’autre. Momo ne marche plus depuis douze ans. Un accident
vasculaire cérébral qui l’a laissée hémiplégique. Elle s’emmerde
sévère et zigzague dans sa momomobile à longueur de ses journées de solitude. Elle
connaît tout le monde dans le village, certains la saluent, d'autres la klaxonnent
quand elle roule au milieu de la rue rien que pour le plaisir de les faire ralentir !
- Eh, écrase-moi, tant qu' t'y es ! braille-t-elle invariablement aux voitures qui frôlent son fauteuil électrique.
- Eh, écrase-moi, tant qu' t'y es ! braille-t-elle invariablement aux voitures qui frôlent son fauteuil électrique.
Ca fait une bonne semaine que je suis en vacances, pour cause de travaux d’agrandissement qui
n’en finissent pas. Ce matin, j’étais juste passée voir la tournure de la chose.
Pas encore assez avancé pour que je retrousse mes manches ! Momo est venue
aussi, voir le chantier de sa cantine. Je l’invite
à boire un café en face. On ne se connait pas bien. Juste le temps des services,
je la bichonne, et je la vanne pour la faire rigoler. Elle aime bien rigoler
Momo. C’est pas le genre de femme qui supporte qu’on la plaigne. Elle fait
aller, comme elle dit.
Sirotant son petit noir, elle me raconte son boulot de monteuse pour une boite parisienne qui fabriquait les films publicitaires pour le cinoche. Et quand elle était caissière au PMU à Montmartre. Elle parle de son deuxième mari, qui a perdu tout leur argent dans d'invraisemblables magouilles. Et qui l’a quittée ensuite pour filer avec une jeunesse.
Sirotant son petit noir, elle me raconte son boulot de monteuse pour une boite parisienne qui fabriquait les films publicitaires pour le cinoche. Et quand elle était caissière au PMU à Montmartre. Elle parle de son deuxième mari, qui a perdu tout leur argent dans d'invraisemblables magouilles. Et qui l’a quittée ensuite pour filer avec une jeunesse.
- Ah ! t’as eu deux maris toi aussi !
- Ouais. Mais moi, j’ai été vendue au premier par ma mère
pour payer une dette. J’avais seize ans. Il va bientôt claquer, et tant mieux pour ma fille qui touchera le pactole, vu
qu’il est plein aux as !
- Vendue ? Et il avait quel âge ce type ?
- Oh ! juste trente ans de plus que moi ! Le salaud !
- …
- Et c'est avec lui t’as eu ta fille ?
- C’est pas lui le père. On était mariés
quand elle est née, alors elle porte son nom. Il a jamais fait d’enfant, lui, bien trop con !
Elle est intarissable Momo. Elle évoque son dernier
compagnon, celui qui l‘a accompagnée dans sa maladie. La moitié mobile de son visage esquisse un tendre sourire. Sa voix s’adoucit tout à
coup.
- Il est mort y a quatre ans. Et maintenant j'suis seule.
Avec juste une pension et sa petite retraite, elle galère. Sa fille habite Paris et ne s’occupe plus trop de sa mère handicapée et vieillissante. Une visite pendant l'été et encore. Je l'écoute raconter en se marrant sa solitude, son ras-le-bol parfois d’être bloquée dans ce trou, sans un rond en poche. L’électricité pas payée. Elle se débrouille comme elle peut. Elle a vendu ses derniers bijoux aujourd’hui. Un rachat d’or au poids.
- Il est mort y a quatre ans. Et maintenant j'suis seule.
Avec juste une pension et sa petite retraite, elle galère. Sa fille habite Paris et ne s’occupe plus trop de sa mère handicapée et vieillissante. Une visite pendant l'été et encore. Je l'écoute raconter en se marrant sa solitude, son ras-le-bol parfois d’être bloquée dans ce trou, sans un rond en poche. L’électricité pas payée. Elle se débrouille comme elle peut. Elle a vendu ses derniers bijoux aujourd’hui. Un rachat d’or au poids.
- Le gars est venu les prendre, et il doit me dire aujourd’hui
combien ça vaut. J’espère qu'y aura assez pour payer l’Edf.
- T’as filé tes bijoux à un mec
que tu connais pas, comme ça ? T'es sûre que c’est pas une arnaque ?
- Mais non ! j’ai vu la pub à la télé.
- La pub à la télé ?
- Ben oui.
- ...
- ...
- Mais le prix de l'or au poids, il te l'a dit ?
- Ben non y savait pas, fallait qu'y voie ça.
- Et tes bijoux, tu sais combien ils pèsent ?
- Ben non, j'ai pas pensé à les peser, Ah, j'suis trop con !
- T'es pas vraiment méfiante, en tout cas.
- Bah! j'verrai bien.
Tout à coup son accent parigot revient tandis qu’elle évoque à nouveau sa jeunesse à Paris. Paris, son rêve d'escapade. Elle veut y aller à Noël. C’est pour se payer le billet qu’elle a vendu ses bagues, et surtout sa pièce d’or à l’effigie du Général de Gaulle !
- Pasque que moi, le Général, c'était mon idole !
Elle espère que sa fille ne trouvera pas un prétexte pour ne pas la recevoir comme l'année dernière.
- Ben non y savait pas, fallait qu'y voie ça.
- Et tes bijoux, tu sais combien ils pèsent ?
- Ben non, j'ai pas pensé à les peser, Ah, j'suis trop con !
- T'es pas vraiment méfiante, en tout cas.
- Bah! j'verrai bien.
Tout à coup son accent parigot revient tandis qu’elle évoque à nouveau sa jeunesse à Paris. Paris, son rêve d'escapade. Elle veut y aller à Noël. C’est pour se payer le billet qu’elle a vendu ses bagues, et surtout sa pièce d’or à l’effigie du Général de Gaulle !
- Pasque que moi, le Général, c'était mon idole !
Elle espère que sa fille ne trouvera pas un prétexte pour ne pas la recevoir comme l'année dernière.
Au moment de la quitter,en me penchant pour l’embrasser, je suis happée par ses yeux
bleus aux reflets dorés. Elle passe sa main dans ses cheveux
blancs coupés au carré. Son immobilité l'a empâtée, mais son visage est resté d’une
saisissante beauté.
24 octobre 2010
No self control
Un récent billet d'Eric ( plus les commentaires) m'a ramenée à cet album live que je n'avais pas écouté depuis longtemps. Du coup je l'ai remonté sur le haut d'une pile de vieux CD. Plein de vieilleries que j'aime !
C'était bon de réécouter ça aujourd'hui !
C'était bon de réécouter ça aujourd'hui !
Largage dominical #15
"Il y en a qui posent des bombes, d'autres des ultimatum.
Nous, dans ce monde, on pose un piano."
Lu sur "Pianotrip".com
Bon dimanche.
Nous, dans ce monde, on pose un piano."
Lu sur "Pianotrip".com
Bon dimanche.
23 octobre 2010
Notable et moron
J’accompagnais mes clients chez le notaire pour la signature
d’une vente conclue il y a quelques mois. Ma présence, bien que non
indispensable, me permettant de récupérer au passage le chèque correspondant à
mes honoraires. Le notaire, choisi par le vendeur de la maison, ne m’est pas
très sympathique. Je ne sais pas bien pourquoi. Lors de notre première
rencontre, à la signature du compromis de vente, je le n’avais pas été
franchement séduite par cet homme suffisant, faussement enjoué, et j’avais à peine souri à
ses vannes à deux balles. Je n’aurais pas su à l’époque exprimer clairement ce
qui me mettait mal à l’aise à son contact. Maintenant, je sais. Il se trouve
que j’ai vendu la maison à un commissaire de police. Qui bosse pour la police
des polices. C'est ce qu'il m'a dit. Il
vient de divorcer, il veut acheter une maison. Je la trouve, la lui vend. Le
processus habituel. Il est plutôt sympa. Un peu malheureux. Qu'il soit flic, je
m’en calisse.
Or, hier soir, pendant la signature, le notaire, apparemment désireux de se faire bien voir de ce type qui, ça s'est confirmé, a sûrement le bras long, balance tout
à trac : " Moi, ce que j’admire chez vous les flics, c’est votre
patience, parce que franchement, ces jours-si, faudrait vraiment aller péter la
gueule à tous ces petits merdeux de 15 ans qui cassent les vitrines !" Ben voyons !
Je fais comme si je n’avais pas entendu. Tu n’es pas là
pour ça, me dis-je, alors que l’envie de lui river son clou me démange.
Espérant qu’il va arrêter là, je regarde par la baie vitrée de son bureau grand
standing, luttant contre les larmes de rage qui commencent à monter à mes yeux
rivés sur le feuillage du jardin. Mais non, ça continue.
« De toute façon, c’est les vieux qui posent problème.
Il faudrait une bonne épidémie, ou une bonne canicule ! Dommage qu’on ait
loupé la grippe A ! » Tout le monde s’esclaffe. Sauf moi. Je reste de
marbre.
Mes mots ne sont pas sortis de ma bouche. Je les ai étouffés
soigneusement. J’aurais voulu lui dire, à ce connard, ce que m’inspire sa
suffisance de nanti. J’aurais voulu pouvoir lui balancer à la gueule que son
statut de notable du village, son costume Hugo Boss et son gros 4/4 garé à l’entrée
de l’étude ne font pas de lui l’être respectable qu’il pense être devenu.
Au moment où il me faisait remettre mon chèque par sa
secrétaire, je lui ai adressé, à elle, le sourire qu’elle mérite sans doute
pour avoir la patience de bosser sous les ordres de ce pitoyable pantin, même pas assez éduqué pour lui dire
le "merci, Mademoiselle" que j’ai prononçé moi.
Et, de toutes mes
forces, de toute mon âme, j’ai plongé dans ses yeux à lui mon regard chargé de
tout le mépris dont je peux être capable lorsque je me trouve en présence de morons
dans son genre.
Celui là, je le raye définitivement de la liste de mes
partenaires.
22 octobre 2010
Ce matin, en sortant de ma maison, j'ai vu le coin d'une enveloppe kraft qui dépassait de ma boîte aux lettres. Au dos de l'enveloppe, une adresse et un un coeur dessiné à l'encre noire ont fait battre un peu plus fort le mien.
Comment vous dire l'émotion ressentie à la lecture de la dédicace ? Comme si effectivement, j'avais été un peu présente à la mémorable rencontre du 9 octobre. Aujourd'hui, j'ai pu mesurer la sincérité de l'amitié, et je me suis sentie pour la toute première fois membre de cette belle tribu qui unit quelques personnes attentives les unes aux autres.
C'est un moment intense que vous m'avez offert, chères Sandra et Blue.
Je sais déjà que dans le prolongement de mes mains caressant ce livre, il y a le plaisir d'entrer dans l'univers de Sandra, entraperçu au fil de ses billets. Ce ton, cette drôlerie, ce verbe si clair et franc me séduisent tant que je me surprends à n'attendre plus que ce soir, lorsque la nuit tombée et les enfants endormis, je pourrai enfin me plonger dans " Les Corpuscules" jusqu'au bout de la nuit.
Je vous aime.
21 octobre 2010
Un nouveau jour
La lumière blême du matin m’éveille. L’automne
offre à mes yeux à peine ouverts la valse ocre des feuilles mortes virevoltant
dans le vent froid. Valser avec le temps qui reste. Joyeusement, rendre légères
et pleines et rondes comme les joues de mes enfants les premières heures de ce jour
et leur insuffler au réveil la joie d’exister. Qu’importent les nuits sans
sommeil et les songes éveillés, puisque seul compte à présent le chemin à tracer dans
le sillage de leurs sourires retrouvés.
20 octobre 2010
18 octobre 2010
La chose, qui attendait, s'est alertée, elle a fondu sur moi, elle se coule en moi, j'en suis plein. - Ce n'est rien: la Chose, c'est moi. L'existence, libérée, dégagée, reflue sur moi. J'existe.
J'existe. C'est doux, si doux, si lent. Et léger: on dirait que ça tient en l'air tout seul. Ça remue. Ce sont des effleurements partout qui fondent et s'évanouissent. Tout doux, tout doux. Il y a de l'eau mousseuse dans ma bouche. Je l'avale, elle glisse dans ma gorge, elle me caresse - et la voila qui renaît dans ma bouche, j'ai dans la bouche à perpétuité une petite mare d'eau blanchâtre - discrète - qui frôle ma langue. Et cette mare, c'est encore moi. Et la langue. Et la gorge, c'est moi.
Je vois ma main, qui s'épanouit sur la table. Elle vit - c'est moi. Elle s'ouvre, les doigts se déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l'air d'une bête à la renverse. Les doigts, ce sont les pattes. Je m'amuse à les faire remuer, très vite, comme les pattes d'un crabe qui est tombé sur le dos. Le crabe est mort: les pattes se recroquevillent, se ramènent sur le ventre de ma main. Je vois les ongles - la seule chose de moi qui ne vit pas. Et encore. Ma main se retourne, s'étale à plat ventre, elle m'offre à présent son dos. Un dos argenté, un peu brillant - on dirait un poisson, s'il n'y avait pas les poils roux à la naissance des phalanges. Je sens ma main. C'est moi, ces deux bêtes qui s'agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec l'ongle d'une autre patte; je sens son poids sur la table qui n'est pas moi. C'est long, long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n'y a pas de raison pour que ça passe. A la longue, c'est intolérable... Je retire ma main, je la mets dans ma poche. Mais je sens tout de suite, à travers l'étoffe, la chaleur de ma cuisse. Aussitôt, je fais sauter ma main de ma poche; je la laisse pendre contre le dossier de la chaise. Maintenant, je sens son poids au bout de mon bras. Elle tire un peu, à peine, mollement, moelleusement, elle existe. Je n'insiste pas: ou que je la mette, elle continuera d'exister et je continuerai de sentir qu'elle existe; je ne peux pas la supprimer, ni supprimer le reste de mon corps, la chaleur humide qui salit ma chemise, ni toute cette graisse chaude qui tourne paresseusement comme si on la remuait à la cuiller, ni toutes les sensations qui se promènent là-dedans, qui vont et viennent, remontent de mon flanc à mon aisselle ou bien qui végètent doucement, du matin jusqu'au soir, dans leur coin habituel.
Je me lève en sursaut: si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps: "Il faut que je fini... J'ex... Mort... M. de Roll est mort... Je ne suis pas... J'ex..." Ça va, ça va... et ça ne finit jamais. C'est pis que le reste parce que je me sens responsable et complice. Par exemple, cette espèce de rumination douloureuse:
j'existe, c'est moi qui l'entretiens. Moi. Le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé. Mais la pensée, c'est moi qui la continue, qui la déroule. J'existe. Je pense que j'existe. Oh! le long serpentin, ce sentiment d'exister - et je le déroule, tout doucement... Si je pouvais m'empêcher de penser! J'essaie, je réussis : il me semble que ma tête s'emplit de fumée... et voila que ça recommence:
"Fumée... ne pas penser... Je ne veux pas penser... Je pense que je ne veux pas penser. Il ne faut pas que je pense que je ne veux pas penser. Parce que c'est encore une pensée."
On n'en finira donc jamais?
Ma pensée, c'est moi: voilà pourquoi je ne peux pas m'arrêter. J'existe par ce que je pense... et je ne peux pas m'empêcher de penser. En ce moment même - c'est affreux - si j'existe, c'est parce que j'ai horreur d'exister. C'est moi, c'est moi qui me tire du néant auquel j'aspire: la haine, le dégoût d'exister, ce sont autant de manières de me faire exister, de m'enfoncer dans l'existence. Les pensées naissent par derrière moi comme un vertige, je les sens naître derrière ma tête... si je cède, elles vont venir la devant, entre mes yeux - et je cède toujours, la pensée grossit, grossit, et la voilà, l'immense, qui me remplit tout entier et renouvelle mon existence. (...)
Je suis, j'existe, je pense donc je suis; je suis parce que je pense, pourquoi est-ce que je pense? je ne veux plus penser, je suis parce que je pense que je ne veux pas être, je pense que je... parce que... pouah!
Jean-Paul Sartre
La Nausée
J'existe. C'est doux, si doux, si lent. Et léger: on dirait que ça tient en l'air tout seul. Ça remue. Ce sont des effleurements partout qui fondent et s'évanouissent. Tout doux, tout doux. Il y a de l'eau mousseuse dans ma bouche. Je l'avale, elle glisse dans ma gorge, elle me caresse - et la voila qui renaît dans ma bouche, j'ai dans la bouche à perpétuité une petite mare d'eau blanchâtre - discrète - qui frôle ma langue. Et cette mare, c'est encore moi. Et la langue. Et la gorge, c'est moi.
Je vois ma main, qui s'épanouit sur la table. Elle vit - c'est moi. Elle s'ouvre, les doigts se déploient et pointent. Elle est sur le dos. Elle me montre son ventre gras. Elle a l'air d'une bête à la renverse. Les doigts, ce sont les pattes. Je m'amuse à les faire remuer, très vite, comme les pattes d'un crabe qui est tombé sur le dos. Le crabe est mort: les pattes se recroquevillent, se ramènent sur le ventre de ma main. Je vois les ongles - la seule chose de moi qui ne vit pas. Et encore. Ma main se retourne, s'étale à plat ventre, elle m'offre à présent son dos. Un dos argenté, un peu brillant - on dirait un poisson, s'il n'y avait pas les poils roux à la naissance des phalanges. Je sens ma main. C'est moi, ces deux bêtes qui s'agitent au bout de mes bras. Ma main gratte une de ses pattes, avec l'ongle d'une autre patte; je sens son poids sur la table qui n'est pas moi. C'est long, long, cette impression de poids, ça ne passe pas. Il n'y a pas de raison pour que ça passe. A la longue, c'est intolérable... Je retire ma main, je la mets dans ma poche. Mais je sens tout de suite, à travers l'étoffe, la chaleur de ma cuisse. Aussitôt, je fais sauter ma main de ma poche; je la laisse pendre contre le dossier de la chaise. Maintenant, je sens son poids au bout de mon bras. Elle tire un peu, à peine, mollement, moelleusement, elle existe. Je n'insiste pas: ou que je la mette, elle continuera d'exister et je continuerai de sentir qu'elle existe; je ne peux pas la supprimer, ni supprimer le reste de mon corps, la chaleur humide qui salit ma chemise, ni toute cette graisse chaude qui tourne paresseusement comme si on la remuait à la cuiller, ni toutes les sensations qui se promènent là-dedans, qui vont et viennent, remontent de mon flanc à mon aisselle ou bien qui végètent doucement, du matin jusqu'au soir, dans leur coin habituel.
Je me lève en sursaut: si seulement je pouvais m'arrêter de penser, ça irait déjà mieux. Les pensées, c'est ce qu'il y a de plus fade. Plus fade encore que de la chair. Ça s'étire à n'en plus finir et ça laisse un drôle de goût. Et puis il y a les mots, au-dedans des pensées, les mots inachevés, les ébauches de phrases qui reviennent tout le temps: "Il faut que je fini... J'ex... Mort... M. de Roll est mort... Je ne suis pas... J'ex..." Ça va, ça va... et ça ne finit jamais. C'est pis que le reste parce que je me sens responsable et complice. Par exemple, cette espèce de rumination douloureuse:
j'existe, c'est moi qui l'entretiens. Moi. Le corps, ça vit tout seul, une fois que ça a commencé. Mais la pensée, c'est moi qui la continue, qui la déroule. J'existe. Je pense que j'existe. Oh! le long serpentin, ce sentiment d'exister - et je le déroule, tout doucement... Si je pouvais m'empêcher de penser! J'essaie, je réussis : il me semble que ma tête s'emplit de fumée... et voila que ça recommence:
"Fumée... ne pas penser... Je ne veux pas penser... Je pense que je ne veux pas penser. Il ne faut pas que je pense que je ne veux pas penser. Parce que c'est encore une pensée."
On n'en finira donc jamais?
Ma pensée, c'est moi: voilà pourquoi je ne peux pas m'arrêter. J'existe par ce que je pense... et je ne peux pas m'empêcher de penser. En ce moment même - c'est affreux - si j'existe, c'est parce que j'ai horreur d'exister. C'est moi, c'est moi qui me tire du néant auquel j'aspire: la haine, le dégoût d'exister, ce sont autant de manières de me faire exister, de m'enfoncer dans l'existence. Les pensées naissent par derrière moi comme un vertige, je les sens naître derrière ma tête... si je cède, elles vont venir la devant, entre mes yeux - et je cède toujours, la pensée grossit, grossit, et la voilà, l'immense, qui me remplit tout entier et renouvelle mon existence. (...)
Je suis, j'existe, je pense donc je suis; je suis parce que je pense, pourquoi est-ce que je pense? je ne veux plus penser, je suis parce que je pense que je ne veux pas être, je pense que je... parce que... pouah!
Jean-Paul Sartre
La Nausée
Vide
Il n'est plus que colère et rancune.
Je comprends sans comprendre.
Je ne sais pas.
Je ne sais plus.
J'erre dans la maison vidée de toutes ses affaires.
Je devrais être soulagée.
Mais je ne le suis pas.
Echec.
Tristesse.
Angoisse.
Je comprends sans comprendre.
Je ne sais pas.
Je ne sais plus.
J'erre dans la maison vidée de toutes ses affaires.
Je devrais être soulagée.
Mais je ne le suis pas.
Echec.
Tristesse.
Angoisse.
16 octobre 2010
J’étais venue aider une amie à accrocher ses toiles pour une soirée ART LAB dans un night-club transformé pour un soir en gigantesque galerie d’art.
Il était perché sur un escabeau quand je l’ai entendu clairement s’exclamer : « ça coince en tabarnak ! »
- Eh ! tu s’rais pas québécois toi ?
Quelques bières et quelques heures plus tard, il est reparti sur son vélo. A la fin de la nuit, plus trop drette sur mes jambes, avec encore en tête le chant de son accent et de ses mots, je me disais que le soleil, parfois, brille même la nuit.
Stie ! Quelle chouette rencontre !
- Eh ! tu s’rais pas québécois toi ?
Quelques bières et quelques heures plus tard, il est reparti sur son vélo. A la fin de la nuit, plus trop drette sur mes jambes, avec encore en tête le chant de son accent et de ses mots, je me disais que le soleil, parfois, brille même la nuit.
Stie ! Quelle chouette rencontre !
15 octobre 2010
14 octobre 2010
Anna Baranek
Anna Baranek du Chateau vit et travaille en Camargue.
Avant de tomber sur ces toiles, je ne savais rien d'elle.
A suivre...
Galerie Bernard Mourier
Avant de tomber sur ces toiles, je ne savais rien d'elle.
A suivre...
Galerie Bernard Mourier
13210 Saint Rémy de Provence
Port. : +33 (0)6 84 47 49 54
12 octobre 2010
l'Intranquille
" Je suis le fils d'un salopard qui m'aimait. Mon père était un marchand de meubles qui récupéra les biens des juifs déportés. Mot par mot, il m'a fallu démonter cette grande duperie que fut mon éducation.(...) Longtemps, je n'ai été qu'une somme de questions. Aujourd'hui, j'ai soixante-trois ans, je ne suis pas sage, je ne suis pas guéri, je suis peintre..."
Gérard GAROUSTE
L'INTRANQUILLE
Gérard GAROUSTE
10 octobre 2010
09 octobre 2010
08 octobre 2010
06 octobre 2010
Les yeux
Non, deux ennemis !
Deux cratères séraphins.
Deux cercles noirs
Carbonisés — fumant dans les miroirs
Glacés, sur les trottoirs,
Dans les salles infinies —
Deux cercles polaires.
Terrifiants ! Flammes et ténèbres !
Deux trous noirs.
C'est ainsi que les gamins insomniaques
Crient dans les hôpitaux : — Maman !
Peur et reproche, soupir et amen...
Le geste grandiose...
Sur les draps pétrifiés —
Deux gloires noires.
Alors sachez que les fleuves reviennent,
Que les pierres se souviennent !
Qu'encore encore ils se lèvent
Dans les rayons immenses —
Deux soleils, deux cratères,
— Non, deux diamants !
Les miroirs du gouffre souterrain :
Deux yeux de mort.
Marina Tsvetaeva
30 juin 1921.
05 octobre 2010
Ça va
Un jour, un jour le Diable vint sur terre,
un jour le Diable vint sur terre pour surveiller ses intérêts,
il a tout vu le Diable, il a tout entendu,
et après avoir tout vu, après avoir tout entendu,
il est retourné chez lui, là-bas.
Et là-bas, on avait fait un grand banquet,
à la fin du banquet, il s'est levé le Diable,
il a prononcé un discours:
Ça va
Il y a toujours un peu partout
Des feux illuminant la terre
Ça va
Les hommes s'amusent comme des fous
Aux dangereux jeux de la guerre
Ça va
Les trains déraillent avec fracas
Parce que des gars pleins d'idéal
Mettent des bombes sur les voies
Ça fait des morts originales
Ça fait des morts sans confession
Des confessions sans rémission
Ça va
Rien ne se vend mais tout s'achète
L'honneur et même la sainteté
Ça va
Les États se muent en cachette
En anonymes sociétés
Ça va
Les grands s'arrachent les dollars
Venus du pays des enfants
L'Europe répète l'Avare
Dans un décor de mil neuf cent
Ça fait des morts d'inanition
Et l'inanition des nations
Ça va
Les hommes ils en ont tant vu
Que leurs yeux sont devenus gris
Ça va
Et l'on ne chante même plus
Dans toutes les rues de Paris
Ça va
On traite les braves de fous
Et les poètes de nigauds
Mais dans les journaux de partout
Tous les salauds ont leur photo
Ça fait mal aux honnêtes gens
Et rire les malhonnêtes gens.
Ça va ça va ça va ça va.
Jacques BREL
LE DIABLE ( ÇA VA)
1953
un jour le Diable vint sur terre pour surveiller ses intérêts,
il a tout vu le Diable, il a tout entendu,
et après avoir tout vu, après avoir tout entendu,
il est retourné chez lui, là-bas.
Et là-bas, on avait fait un grand banquet,
à la fin du banquet, il s'est levé le Diable,
il a prononcé un discours:
Ça va
Il y a toujours un peu partout
Des feux illuminant la terre
Ça va
Les hommes s'amusent comme des fous
Aux dangereux jeux de la guerre
Ça va
Les trains déraillent avec fracas
Parce que des gars pleins d'idéal
Mettent des bombes sur les voies
Ça fait des morts originales
Ça fait des morts sans confession
Des confessions sans rémission
Ça va
Rien ne se vend mais tout s'achète
L'honneur et même la sainteté
Ça va
Les États se muent en cachette
En anonymes sociétés
Ça va
Les grands s'arrachent les dollars
Venus du pays des enfants
L'Europe répète l'Avare
Dans un décor de mil neuf cent
Ça fait des morts d'inanition
Et l'inanition des nations
Ça va
Les hommes ils en ont tant vu
Que leurs yeux sont devenus gris
Ça va
Et l'on ne chante même plus
Dans toutes les rues de Paris
Ça va
On traite les braves de fous
Et les poètes de nigauds
Mais dans les journaux de partout
Tous les salauds ont leur photo
Ça fait mal aux honnêtes gens
Et rire les malhonnêtes gens.
Ça va ça va ça va ça va.
Jacques BREL
LE DIABLE ( ÇA VA)
1953
04 octobre 2010
03 octobre 2010
02 octobre 2010
01 octobre 2010
Défifoto
Je n'étais pas très motivée par ce Défifoto.
J'avoue sincèrement que j'étais plus partante pour " de la main gauche".
Mais bon, ce fut "fenêtre" et j'ai quand même inauguré mon nouveau numérique sur ce thème.
Voici les rejets :
J'avoue sincèrement que j'étais plus partante pour " de la main gauche".
Mais bon, ce fut "fenêtre" et j'ai quand même inauguré mon nouveau numérique sur ce thème.
Voici les rejets :
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Manifeste
On m'a dit : "Fais des chansons comme-ci" On m'a dit : "Fais des chansons comme-ça" Mais que surtout ça ne pa...
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Piquée à Gom sur sa page aujourd'hui, j'écoute cette chanson en boucle, et j'ai de l'eau plein les yeux.
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Le premier regard par la fenêtre au matin Le vieux livre retrouvé Des visages enthousiastes De la neige, le retour des saisons Le journa...
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"Kashmir" Oh let the sun beat down upon my face, stars to fill my dream I am a traveler of both time and space, to be w...