J'ai lu ce texte ce matin chez Mendelien
C'est un bien bon texte, je trouve. Qui résume assez bien ce que peuvent ressentir parfois ceux qui vivent les yeux ouverts.
Je suis un chien
Mon chien n’est pas très intelligent.
Et
foncièrement, je ne vaux guère mieux. Ce n’est pas de la fausse
modestie, c’est tout à fait sincère. Je me dis même que c’est quasiment
insultant pour mon chien d’oser la comparaison.
Objectivement,
je me considère comme un être frustre et dépourvu des qualités que l’on
doit avoir pour faire un quelconque travail intellectuel. Pour tout
dire, je trouve le travail d’écriture fastidieux et souffrant. Et
j’aimerais me passer de ce travail comme j’aimerais me passer du travail
tout court. En fait, j’aimerais jouer de la guitare, chanter des tounes
thrippantes, baiser avec ma blonde, jouer avec mes enfants pi
m’chrisser de toutte comme bin du monde. Mais
j’entends tant de conneries, je suis submergé par tant de misère issue
de désert intellectuel dans lequel je vis, que je me dis qu’il me faut
faire quelques choses. Et chaque fois, c’est le chemin de croix.
Malgré
tout, je me considère comme un gros travaillant. Comme au hockey. Un
gars sans talent qui travaille fort dans les coins pour emmerder la
grande vedette plein de style, un peu imbue d’elle-même, celle qui
frustre quand on l’empêche de faire des sparages et compter des buts et
qui, parfois, par son arrogance, fait perdre son équipe. En tant que
spectateur, j’ai toujours apprécié ces deux sortes de joueurs avec la
même intensité et j’ai toujours considéré le travail de Bob Gainey aussi important que celui de Guy Lafleur.
Intellectuellement, donc, je me considère comme un genre de sous-Bob Gainey et je me sens pas si loin de mon chien. Et il
est vrai que je me dis souvent que, spirituellement, mon chien a
quelque chose de plus que je n’ai pas. Une honnêteté de chien qui, à la
longue, finit par forcer mon admiration. Surtout quand je me rends
compte à quel point je parle pour ne rien dire. À quel point je gaspille
ma salive. À quel point je m’illusionne sur la nécessité du « débat »
avec mes contemporains.
Wouaf Wouaf ! Ostie
de chien du voisin ! dit mon chien. Vas-t-en, ! T’es sur mon territoire.
M’as te mordre, mon maudit, si jamais j’ai une chance de m’échapper !!!
Mais,
y’a rien à faire, j’arrive pas encore, après toutes ces années
d’errances intellectuelles, à avoir la sagesse honnête de mon chien.
Mais parfois, je sens que je suis sur le bord d’y arriver. Surtout quand
je ressens, jusqu’au fond de mon être, l’absurdité des paramètres du
consensus dans lequel nous baignons, tous et chacun autant que nous
sommes, pour interagir en société, y compris entre membres d’une même
famille qui essaient de s’aimer inconditionnellement, en ces temps de
grande dépression qui n’ose même pas dire son nom.
Ces
maudits paramètres de consensus terribles devant lesquels on doit se
plier si l’on veut survivre sur le plan affectif, pour être aimé et se
sentir accepté par nos proches, nos amis, nos voisins, nos collègues et
même pour se survivre à soi-même dans les paradoxes de notre culture.
Parfois, il me faut assister,
avec des proches ou des collègues, à une conversation qui tourne autour
de certains sujets litigieux et, malgré que mes oreilles bourdonnent,
j’essaie de protester modérément pour ne pas froisser les gens, pour ne
pas que tout tourne en eau de boudin. Et j’entends à travers les
tampons, tous les discours fielleux de la droite et ceux, plus pervers,
de la pseudo-gauche qui pénètrent les esprits jours après jours, petit à
petit. En voici quelques exemples :
-Barback Obrama est un grand intellectuel, c’est pour cela que les gens ne l’aiment pas. Le peuple rejette ses réformes à cause de sa trop grande stature et non pas parce que c’est un véritable mange-merde, un pseudo-joueur
de basketball préparé par la CIA depuis des années à remplir sa
fonction de trou du cul exterminateur de peuples et profanateur de vie.
-Amyr
Khadir est un homme pragmatique dont l'action va mener, à force
d’éducation populaire, à des réformes appropriées pour sortir le Québec
de l’impasse et non la marionnette inconsciente de Paul Desmarais pour
écrabouiller le Parti Québécois. Et fuck les leçons de Machiavel, les
sacrifices de Bourgault, les remontrances de Falardeau! Over their dead
bodies ! Il faut bien vivre pour les vivants n’est-ce pas ? Et même pour
les peuples morts-vivants… Et faire taire les revanchards passéistes
empêcheur de faire semblant d’espérer en rond.
-
La bourse du carbone est une chose rationnelle qui va améliorer le
bilan énergétique de la planète et non pas une arme de plus pour les
Rockfeller de ce monde pour faire encore plus de fric en transformant la
biosphère en dépotoir pétrolifère irrémédiablement souillée. La
fermeture de la bourse actionnariale, d’un autre côté, c’est absolument
impossible de l’envisager sérieusement.
-Les parents se crissent de l’école parce qu’ils sont égocentriques, consuméristes et irresponsables. Ça
n’a ABSOLUMENT rien avoir avec le démantèlement de l’état, la
délocalisation des entreprises, l’équarrissage de la
classe-ouvrière-qui-n’existe-plus ou le décervelage de la classe
moyenne. Ce n’est pas du tout un problème collectif mais d’abord, un
problème de responsabilité individuelle.
Et
puis autour de tous ces tampons bien intégrés désormais chez tout ces
gens sincères, besogneux, honnêtes, il y’aussi, bien sûr, en toile de
fond, l’éternelle propagande lancinante, la pure
et dure: Lénine et Guevarra, dans le même sac. Les olympiques de Pékin
de 2008 renvoyés dos à dos à ceux de Berlin de 1936. La liberté
d’expression en Iran, les femmes voilées d’Afghanistan, la démocratie en
Irak, la révolution des roses de Géorgie, la révolution orange en
Ukraine, la révolution des tulipes au Kyrgyzstan. Ne manque que la
révolution arc-en-ciel des lesbiennes handicapées de Papouasie du
sud-est
Y’au aussi les livres noirs. Le
livre noir du communisme, de l’islamisme, du terrorisme, du complotisme,
du onze-septembrisme. On dirait que tout ce bruit assourdissant est
présent dans la conversation, en filigrane, comme une menace…
Et
là, au bout d’un certain temps, je me sens partir loin. Je me vois
flottant au-dessus de la pièce avec une voix off intérieure qui
commenterait, comme dans un genre de mauvais rêve :
-Non
mais vraiment ? Vous êtes en train de me dire ça à moi, ici,
maintenant, en 2010 ? Vous vous croyez ou vous faites semblant ? Vous
avez lu Huxley et Orwell et vous dites que ce ne sont que des romanciers
? Ou alors, vous dites qu’ils décrivent la réalité, alors qu’en même temps, on dirait que vous ne les avez pas lus ?
Et
je me vois, moi aussi, en train de dire plein de trucs imbéciles comme
si je ne les avais pas lus ces auteurs. Pour fitter un minimum dans les
paramètres. Parce que, malgré toute ma vigilance, je suis, moi-aussi, un
haut-parleur à tampon, un adepte de la pensée-double. Merde ! Je suis
dans 1984 !!!!
Mais malheureusement, je ne me réveille pas.
Et
la discussion peut continuer comme ça avec des nuances variables mais
qui conduisent invariablement vers des culs-de-sac de plus en plus
désespérants.
Si je m’oppose au tampon du progrès, on me rétorque que
le progrès de l’humanité est indéniable parce que, statistiquement,
l’individu vit plus longtemps, ou que la santé gratuite est un progrès
«civilisationnel» irréfutable. Si le délire pousse plus loin, un tel me
dira qu’il n’échangerait sa place pour rien au monde avec ces différents
ancêtres, que c’est mathématiquement erroné, un délire paranoïaque,
d’oser affirmer que, qualitativement, l’humanité, à partir de la deuxième guerre mondiale, a régressé sur tous les plans et particulièrement sur celui de la dignité.
Et pourtant, il y’a plus de cent ans, déjà, que Zola, après une vie entière dédiée à la cause de la classe ouvrière dans la foulée des grands espoirs engendrés par
les progrès techniques qui promettaient de la soulager de la misère,
admettait, sur son lit de mort, qu’il avait fait fausse route sur toute
la ligne. Aujourd’hui qui se soucie de Zola ? Tout le monde s’en
contre-chrissent de Zola et « tout le monde » a probablement raison. Il vaut peut-être mieux revenir à la prière finalement, tant qu’à faire du sur-place aussi pathétique.
Si
on est un jeune écologiste, on essaiera peut-être de me vendre encore
une fois l’argument de la bourse du carbone digne d’une sinistre farce
ubuesque qui mérite à peine une ligne dans une comédie de Gilbert Rozon.
Si on me connaît bien, on évitera plus stratégiquement le sujet.
Alors je me dis : bravo à vous, les
intellectuels de la gauche!!! Quel beau travail d’éducation populaire
vous avez fait ! Êtes vous des putes ou des imbéciles ? Vous avez fait croire à tout un chacun que vous alliez sauver les meubles de la sociale-démocratie et sauver le petit peuple de ses errances en le responsabilisant ! Vraiment,
quelle éclatante victoire. ! Et vous n’avez rien trouvé de mieux à
faire ? Vraiment ? Rien de plus urgent que de vendre des agents de la
CIA comme des sauveurs de l’humanité ? Que de jouer dans les
plates-bandes de la droite dans des pseudos-débats pour vous sentir
utile? La classe moyenne se conforte ainsi dans vos injonctions éthiques
de pacotilles dignes du Pinocchio de Walt Disney. Et la
classe-ouvrière-qui-n’existe-plus, elle, réagit violemment en Bougon qui
se respecte, en s’en côlissant bin raide ou en écoutant les chants du
sirène de l’extrême-droite qui chient, à pleine page et à
coeur de jour dans les médias de PKP, des relents de déjà-vu putrides.
Et vous vous étonnez de la progression fulgurante des gagnes de rues
!!!!
Je ne fais pas exprès. Ça ne me fait
pas plaisir. Je ne joue pas au radical qui se complait dans
l'idiosyncrasie et le désespoir romantique. Je ressens le désespoir
jusque dans les tréfonds de mon être, du réveil au coucher, en essayant
de confronter le peu de culture que j’ai essayé d’absorber au cour de ma
vie, à la réalité vécue quotidiennement à travers les paramètres du pseudo-débat social et du comportement de tout un chacun, y compris du mien.
Tout ce chemin pour ça ? De l’âge des cavernes à Einstein pour en
arriver à soutenir, sans rire, que Barrack Obama est un grand
intellectuel réformateur ?
Moi, je préfère
encore l’âge de pierre. Je préfère encore la massue. Sans artifice.
Brutale, simple et directe. Sans université pour enrober le débat
fondamental de l’oppression. Et surtout sans osties de bombes nucléaires
et de doctrines hallucinées du pseudo-équilibre de la terreur. Plutôt
mourir entre les dents d’un loup, d’un lion ou sous les machettes des
«barbares ». Plutôt brûler les bibliothèques, éviscérer la Kulture.
J’aurais préféré mille fois cette brutale bestialité franche que la
psycho-pathologie de la culture occidentale du XXIème siècle.
Du
point de vue du futur de la vie sur terre, l’inquisition du moyen-âge,
la conquête espagnole, la civilisation industrielle, n’auront été que
des petites fièvres bénignes en comparaison des
métastases cancéreuses qui prolifèrent sous le vernis des discours des
partis républicains ou démocrates, des publicités de Wall-Mart, des
tounes de Céline Dion, des émissions de Julie Sneider ou du sôvage de meuble de la pseudo-gauche efficace avec son humanitarisme larmoyant. Le progrès ? Quel progrès?
Finalement, pour
la première fois, j’ai l’impression de comprendre Léo Ferré dans « il
n’y a plus rien », au lieu de seulement ressentir sa révolte.
Je suis un chien !!!
Finalement.
Je comprend mon chien. Profondément. Je comprends son flair pour
détecter la merde. Finalement, je comprends qu’il est impossible de
résoudre la quadrature du cercle et de se faire accroire que le dialogue
est possible à l’intérieur des paramètres de cet esclavage mental
complètement halluciné qui nous terrorise, nous conforte ou nous
révolte.
Je suis un chien.
Comme il disait, le vieux Ferré.
Attention, parfois je mords.
Mais parfois, aussi, je remue la queue. Je donne la papatte et je peux
même vous lécher la joue…si on arrête de parler et qu’on écoute ensemble
quelques minutes le chant des étoiles.
Peut-être que finalement, vous vous rendrez compte, que, comme mon chien, je ne suis pas très intelligent. Mais qu’au fond, comme lui, je ne suis pas bien méchant…
Chut….
Écoutez !
(....)
Les étoiles…
(...)
Elles parlent...
le même langage que les chiens…
Jean-François Thibaud
Lundi 16 novembre 2010
5 commentaires:
Wow ! ça fait du bien à lire ; bravo et merci !
salut anne.
Merci pour la citation. C'est beaucoup d'honneur.
J'ai fait pas mal de modifs, si jamais tu veux mettre à jour le texte...
Voilà, c'est fait.Ton texte est mis à jour...
Je l'ai donc relu.
Je persiste.
C'est un bien bon texte.
OUaip. Je plussoie.
Ah, Dji, cher Dji. Ça fait du bien.
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