Chez nous, en général, on ne fête
pas Noël. Les années précédentes, on avait fini par céder devant l'insistance des enfants qui tenaient à mettre leurs chaussures au
pied d'un sapin synthétique. Mais cette année, non, c'était
décidé, non. Pas de sapin, pas de foie gras, machin. Non, c'est
non, avait-on répondu, fermement et d'une seule voix, à la petite Lili désormais grande qui se
consolait en se disant qu'elle aurait ses cadeaux quand même !
Parce que, quand on a des enfants, même s'ils ont tellement grandi
qu'ils vous dépassent d'une tête, c'est un peu trop culpabilisant de
résister au folklore et au mercantilisme organisé en leur sucrant
leurs cadeaux de Noël. On a beau essayer de lutter contre la
ridicule tradition, les cadeaux dans leurs paquets brillants , on n'y
coupe pas. Et il faut bien avouer que, quand on a visé juste , le
plaisir de nos gamins est un petit bonheur dont les parents auraient
tort de se priver...
Mais cette année, notre Noël ne
devait pas être un Noël comme les autres.
Bertrand a appelé le 21 décembre. Il
disait être quelques jours dans le sud, et avait envie de passer
nous faire un coucou. Au son de sa voix, j'ai compris qu'il se
sentait seul et je lui ai proposé de venir passer la soirée du 24
avec nous. « Pas de chichis, lui ai-je dit, on ne réveillonne
jamais, tu sais, ce sera une soirée comme les autres, amène ta
guitare, on se fera un bœuf... »
Bertrand est finalement arrivé le 23,
après avoir rappelé en disant que seul dans sa grande ville du sud
emmaillotée de sapins et de neige synthétiques, il craquait un peu
et espérait pouvoir arriver chez nous le plus vite possible.
« Ok, » lui ai-je répondu.
« Et tu sais quoi ? Ce qui serait génial, c'est que ce
soit toi qui fasse à manger le 24 !»
Il faut dire que mon ami Bertrand est
un fabuleux cuisinier. Il parcourt depuis quelques années la terre
entière sur la grande bleue. Son boulot consiste à régaler les
riches propriétaires de luxueux voiliers qui parcourent le monde
avec des équipages cosmopolites travaillant 7 jours sur 7, au
service de leurs souvent très capricieux et exigeants patrons. Sa difficile vie
de marin, lui interdisant toute attache, a
fait de lui un éternel solitaire, un être secret et timide, dont la
finesse d'esprit n'a pas échappé à mon amoureux, qui le découvrait
lors de ces quelques heures partagées.
Bertrand a appris à cuisiner tous les produits du monde sur tous
les continents, en faisant chaque jour ses courses sur les marchés
locaux.
Nous lui avons donc demandé de nous
emmener en Thaïlande en ce soir de Noël. Les voilà donc partis,
lui et Hervé, en quête des ingrédients destinés à la préparation
de notre diner exotique. Le dépaysement a commencé dans le
supermarché asiatique du coin. Devant les yeux éberlués d'Hervé,
il s'est lancé dans l'acquisition de légumes et de fruits,
gingembre, galanga, citronnelle, coriandre, bokchoy et autres herbes et plantes aux odeurs
fabuleuses.. Mon cœur de cuisinière s'est ému lorsqu'ils sont
rentrés à la maison et ont déballé leurs trésors. Autant de
merveilles que je n'aurais pas osé cuisiner, faute de connaître leur utilisation.
Son imagination débridée lâchée pour l'occasion, accentuée par
son immense envie de nous faire plaisir, Bertrand a mis tout son
savoir faire et son amour pour nous dans des plats somptueux et
pourtant simplissimes, et nous voilà quelques heures plus tard,
attablés pour une vraie fête, émus de ce cadeau que nous faisait notre ami, conscients de déguster des mets rares et parfaits, ébahis par tant de finesse et de
saveurs mêlées . Notre plaisir faisait visiblement la joie de notre cuisinier, il a éclaté de rire en rougissant un peu lorsque Lili a lancé : « Quand je pense qu'il y en a qui se
tapent des huitres et du saumon fumé, les pauvres ! » et dans ses yeux soudain embués,
il y avait tout le bonheur de nous avoir offert ce Noël pas
comme les autres, dont le souvenir restera longtemps dans nos
mémoires. En cette fin d'année 2013, Bertrand nous a offert le Noël de l'amitié
sincère et du partage.
4 commentaires:
Merci de nous partager ce moment. J'étais avec vous autour de la table. Joyeux Noël!
oui il faut savoir sortir de sa coquille.
Bzzz...
Bravo Bertrand!
Il coïncide avec ce que j'ai écrit à Eric ce matin..
D'abord, j'en ai marre de ce Noël imposé et le fond du pot est atteint cette année avec les cadeaux revendus sur internet! Stop!!
Bertrand t'a appelé le 21: le jour du solstice, le vrai début de la nouvelle année...
Résumons, l'année prochaine je fêterai non pas Noël, non pas Nouvel An, mais le retour de la lumière le 21 décembre. Tous les amis sont d'ores et déjà invités (tu es la seconde). Cadeaux pas indispensables et si cadeau il y a choisis hors des circuits marchands... On apportera son rire et sa guitare, son coeur et ses chansons...
Voilà... hugh! j'ai dit!
Bises
Bonne année ! :-*
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