22 novembre 2019

Zab

J’étais arrivée à l’audience l’angoisse chevillée au ventre.
Cette lamentable histoire n’en finissait pas et me sapait le moral. J’étais usée par les difficultés liées à l’absence de Zab au restau pendant presque un an.

Les souvenirs des jours qui avaient précédé mes ennuis affluaient tandis que je gagnais mon siège. Je ne l'avais pas vue en arrivant mais le souvenir de son regard haineux lorsqu'elle était arrivée accompagnée de son conseil à la première audience était gravé dans mon esprit.

Elle était déjà en poste quand j’avais racheté l’affaire, et n’avait sans doute pas imaginé que je changerais radicalement la déco et ferais évoluer les prestations de ce petit restau de village où elle était la seule maîtresse à bord avant mon arrivée. Nous bossions ensemble depuis presque deux ans lorsque le conflit éclata. Nous étions devenues amies et nous avions convenu que je lui offrirais des vacances pendant la durée des travaux de rénovation. Elle n’était pas passée voir le chantier et cela m'avait un peu étonnée.
Quelques jours avant la réouverture, je l'appelai et lui demandai de venir voir la salle de restaurant transformée, et je compris qu'elle ne lui plaisait pas.

Il me fallait admettre que j’avais complètement merdé avec elle. 
Je ne mesurais que trop clairement à présent les conséquences d’un entretien où j’avais du mettre les choses à plat et tenté d’obtenir d’elle qu’elle accepte le changement de cap que j’avais choisi pour mon entreprise. Son silence pendant l'entretien avait été glacial, sa réticence à accepter mes décisions s’était transformée en une colère rentrée et j’avais naïvement pensé qu’elle finirait pas mesurer les effets positifs de mes choix. Je me trompais lourdement.

Elle s'était légèrement blessée pendant un service quelques jours après cette conversation et avait immédiatement fait valoir un accident du travail.
Et elle m’avait plantée en pleine saison d’été.
Après neuf mois d’arrêts maladie successifs, j’avais du me résoudre à la licencier sur les recommandations du médecin du travail.
Elle m’avait attaquée en justice pour harcèlement moral immédiatement après son licenciement et avait inventé une histoire affreuse où j’étais dépeinte comme une bonne à rien doublée d’une psychopathe martyrisant son personnel.

Son avocat n’avait pas convaincu les juges en première instance, et j'allais devoir l'écouter me salir une seconde fois pour tenter d’obtenir le dédommagement conséquent que sa cliente demandait toujours en procédure d’appel.

Le hasard fit assez bien les choses. Cet avocat à la réputation un peu sulfureuse s’était battu la veille de l’audience avec un client mécontent. Il avait le nez cassé et n’était pas en état de plaider. Ce fut une jeune avocate de son cabinet qui récupéra le dossier à la dernière minute et en l’absence de preuves de ce qu’elle tentait de faire admettre aux juges des prud’hommes, elle bredouilla et planta sa plaidoirie dans une confusion totale, rougissante et paniquée devant son dossier constitué uniquement d'allégations mensongères.

Je ressortis du tribunal sans être capable de me réjouir de cette seconde victoire.

Je revendis mon affaire quelques mois plus tard, épuisée psychologiquement par cette douloureuse histoire, traumatisée par les accusations de celle que j'avais fait l'erreur de considérer comme une amie. 


Les poursuites s’arrêtèrent avec mon départ. 


Mais Zab avait gagné.

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