19 mars 2010

Souvenir gustatif

Dans une vie pas si lointaine, j'avais un restaurant. C'était une aventure de tous les instants. Pas envie de faire ce métier sans y mettre mon cœur, et mes tripes. J'avais entraîné ma tribu dans l'aventure. Soit je me plantais et on repartirait de zéro, soit j'allais au bout du rêve né loin de ce village du sud où nous avions choisi de poser nos valises. C'est donc submergée par la trouille que je me suis jetée à l'eau, avec le soutien indéfectible et protecteur de mon amoureux ayant pris le relais sur tout ce que je n'avais plus le temps de faire, partageant mes larmes de fatigue et massant mes pieds quand je rentrais, fourbue de dix ou douze heures de transpiration en cuisine, parfois pustulée de brûlures.
Ce fut une jolie aventure. Le restaurant s'appelait « les pieds sur Terre ».
Ma présence sous l'avatar de mespiedssurterre dans la blogosphère n'est en rien due au hasard. Vous raconter le plaisir de voir dans les yeux de mes hôtes les étoiles après lesquelles je n'ai jamais couru.
Repenser à ces moments de doute où, seule dans ma cuisine les jours de fermeture, je tentais d'inventer, de marier les saveurs. Dans ce village où la cuisine provençale était le seul repère, il me fallait oser.
Je me souviens du jour où j'ai sorti de mon imprimante ma première carte personnelle. Currys indiens et thaïlandais, rougaï réunionnaise, tagines marocains, colombo antillais… Tous ces plats merveilleux de subtilité corsée allaient désormais cohabiter dans ma maison avec la traditionnelle daube de poulpe et les supions marinés dans l'huile d'olive provenant du village. Chaque jour un voyage, ici et ailleurs.
Après quatre années de rencontres et d'échanges, de moments de douleur physique allégée par la fidélité et la gentillesse de ceux qui m'ont toujours soutenue, j'ai rangé mon tablier. Sans regrets. Je cuisine désormais pour mes amis, mes proches. Je sais à présent qu'il n'y a pas beaucoup de place pour la poésie culinaire et l'envie d'offrir simplement une onde de chaleur quand on a commis l'erreur de se lancer dans la création d'entreprise. Lorsque la machine à pomper étatique se met en route, inexorablement viennent les nuits sans sommeil, s'envolent les illusions pour laisser la place au désagréable travail de gestion, si loin du rêve. De mon rêve achevé il me reste le souvenir des dîners dans la douceur du soir, les tables éclairées par les douces bougies, les rires étouffés par l'épaisse glycine centenaire fleurissant aux beaux jours, accueillant les regards tendres et gourmands des clients qui aimaient ce lieu presque autant que moi. Et qui, je le savais, venaient chez moi parce qu'ils s'y sentaient bien, comme on se sent bien dans une maison ouverte et chaleureuse. Oui, simplement, une belle aventure.

16 commentaires:

Anonyme a dit…

désolé, mais les projets, ça me fait chier, et la mise en valeur de nos propres efforts.

bise kan maime

piedssurterre a dit…

T'es casse couilles, tu lis jamais les billets.

piedssurterre a dit…

Et pis, c'est pas une question de mise en valeur d'efforts, juste une tentative d'évocation claire et limpide ( ratée ??????-)))))d'un morceau de ma vie. Turluttuti. bise aussi.

Blue a dit…

Moi elle me touche ta tranche de vie là, Fanfan, d'autant que j'affectionne particulièrement cette cuisine inventive et exotique dont tu parles, sûre que j'aurais été une visiteuse et gourmande assidue!
Pour le reste, la désillusion etle revers gestionnaire de l'affaire, et la pompe à fric que peut devenir l'état quand ça roule pourtant à la sueur de nos coeurs, j'en sais pour ma part aussi quelque chose mais c'est une autre histoire...
j'aimerais bien y goûter à tes petits plats, un jour peut-être par chez toi...
Je t'embrasse fort.
Blue

anne des ocreries a dit…

Mais au moins, toi, tu l'auras eue, ton aventure ! y en a tant qui ne dépasseront jamais le simple stade de la rêvasserie ! courte et belle, ça vaut mieux que 20 ans de routine sécuritaire, foutraille !
Je suis sûre que c'était génial ! et que tu y as pris de la joie....
tu l'as dit : "sans regrets" ; comme moi et mes biquettes.....:))
Merde, au moins là ça valait la peine de vivre ! y a plus qu'à trouver autre chose, et bon, on finira bien par y arriver, non ?

piedssurterre a dit…

Bah tu sais, une aventure qui se termine sans bobos, ça ne peut que contribuer au souvenir des bons moments. Qui prennent le pas sur les moins bons. Oui, j'ai adoré ça. Sauf la compta, les chiffres ça m'a toujours donné des boutons!
:0)
Et oui, on finit toujours par arriver à aller vers l'ailleurs, le chemin est parfois compliqué, mais ça avance, tranquille.

Zoë Lucider a dit…

Oh! la carte!J'aurais bien aimé me mettre les pieds sous ta table. Dommage que les rêves se cognent le nez aux "incontournables contingences". Mais que serait une vie sans projet, même s'il faut mettre la clé sous la porte quelques temps plus tard. E la nave va.

RAINETTE (l'énigmatique) a dit…

Voilà pourquoi on se sent bien chez notre hôte (ici) ! Ton blog c'est un peu ton resto, du moins par la chaleur qui s'y dégage et l'avatar, notamment !

C'était exotique ce menu ! Et les glycines ça sent bon ? Ici on n'en a pô et jamais visité ton pays. J'ai vu des photos par contre, ça me fait penser au lilas !

--- mini-troll, au coing. J'ai dit :)

anne des ocreries a dit…

oh, Rainette, l'odeur des glycines au printemps, si tu savais !
Rien ne peut s'y comparer, et le soir, le soir après une belle journée, dans le dernier bleu du ciel que traverse la dernière hirondelle, debout sur le pas de la porte, tu respires ça et c'est l'odeur même de la vie, des jardins verts, et des soirées paisibles dans le cri-cri des grillons, le soir, avec quelqu'un tout au bout du silence qui commence une histoire.....
Il était une fois.....:)

RAINETTE (l'énigmatique) a dit…

ça se rapproche de l'odeur du lilas ? Parce que ça fait un peu la même chose, l'odeur du lilas à la floraison...

Gomeux a dit…

Woah, belle lecture que cette belle aventure.
Ça donne faim!

anne des ocreries a dit…

Rien à voir avec le lilas ! c'est tellement plus.....suave !

piedssurterre a dit…

Woa, je me réveille à peine et voilà que c'est le printemps chez moi ce matin. Merci pour l'onde, les anges, elle est douce, comme certains de mes souvenirs. Et ici, les mimosas sont déjà en fleurs. C'est le printemps !

RAINETTE (l'énigmatique) a dit…

J'en veux des glycines !!

Bon printemps les français ! Quand il sera terminé chez vous, il commencera ici ! Lalalalère.....

Sébastien Haton a dit…

C'est à se demander parfois si, pour être créatif, il ne faudrait pas déjà être riche...
Non, en réalité, ce n'est même pas une interrogation.
L'histoire est jolie néanmoins.

piedssurterre a dit…

@shaton: Dans cette aventure, si j'avais accepté de continuer à me manger le cerveau avec les histoires de fric, c'est sûr que je serais déjà presque riche, comme le sont beaucoup de restaurateurs qui savent manier la calculette au détriment de leurs clients. Super facile de ce côté de la méditerranée! Moi j'ai senti que j'allais me perdre si je continuais et perdre la flamme qui m'animait au départ, plutôt tout arrêter ! C'est dit, sans regrets !

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