Il y a quelques jours, j’ai vu sur le net l’expression « candidater, c’est bluffer ». Je suis au chômage depuis quelques mois, je cherche du travail. Ça m’a donc sonné à l’oreille. Presque aussi fort que « autre inactif» sur mon relevé de cotisations d’assurances.
Donc, je suis le lien de cette accroche et arrive sur le site de Cadre Emploi, qui comme son nom l’indique, est destiné aux cadres. On y parle de carrières. Moi, j’ai jamais "fait carrière", ni même jamais pensé un seul instant à cette expression dans mon rapport au travail. Bosser, oui, essayer de trouver un job qui me fasse bouffer et ne me prenne pas la tête, j’ai eu de la chance jusqu’à présent, j’y suis parvenue. L'expression "candidater, c'est bluffer", ça m'évoque un exercice de style pour ambitieux aux dents longues. Alors que pour bien des gens, travailler tout court pour remplir son frigo n’est plus un objectif, mais une nécessité vitale. La notion de bluff, ça m'intrigue. Bon. J’ai donc regardé cette courte interview de Florence Aubenas, journaliste. Je passe sur son statut d’ex-otage pour ne retenir que l’info sur son dernier bouquin, qui fait un carton et dans lequel elle relate comment elle s’est glissée dans la peau d’une femme de ménage pour vivre pendant 6 mois en nettoyant les chiottes des ferries à Ouistreham. Dans l’interview, elle raconte donc qu’elle a menti aux entretiens en affirmant qu’elle avait déjà fait le ménage et déclare qu’un entretien d’embauche est un exercice de bluff et de poker menteur.
Un exercice de bluff et de poker menteur ?
Non mais, est-ce qu’elle croit vraiment que quand tu as envoyé 50 lettres de motivation pour un poste de nettoyage de chiottes ou autres et que t’as pas reçu une seule réponse positive, tu penses à bluffer comme dans une partie de Poker quand t’es enfin convoqué ? Ah! mais je rêve? C'est quoi ce discours? Je repense à la description par son éditeur et ses fans "de la belle empathie avec les gens merveilleux rencontrés pendant son immersion chez les pauvres qu’elle a si bien restitué dans son bouquin". Je n’ai pas lu ce livre. Il a déjà dépassé les 210000 exemplaires. Raconter la précarité à ceux qui ont les moyens de s’acheter un bouquin à 20 euros pour les aider la découvrir et à comprendre ce qui se passe dans les agences Pôle emploi, moi je trouve ça moyen bof. Mais surtout, surtout, je crois que quand on a son confort à Paris et qu'on est une journaliste célèbre et courtisée, on peut se permettre d'aller jouer au précaire pendant 6 mois en se déguisant en femme de ménage, décolorée cheap blond moche et fausse myope.
Son bon sourire et son analyse du recrutement basé sur cette expérience, là, sur ce site précisément, moi, ça m’a juste mise en colère et foutu les boules. Voilà, c’est dit !
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3 commentaires:
Foutraille ! ça me fout la rage ce genre de pétasse ! y a pas que toi qui gronde, là, j'aime mieux te le dire !!!
Alors, nous le quart-monde, nous les gueux, les pauvres, on est là, en spectacle, jetés en pâtures, comme au zoo, par une bonne femme bien à l'aise qui se permet de parler en notre nom ? et des tas de trous du culs se donnent des frissons à découvrir nos vies pour 20 € ? La seule chose qui leur manquera jamais pour savoir ce que c'est, c'est de l'avoir vécu de l'intérieur ! mais à quoi bon n'est-ce pas, "elle" l'a fait pour eux ! LA personne autorisée qui donne son expérience "autorisée " ! sauf que pardon, mais elle ne parlera jamais quez de l'extérieur la donzelle, malgré ses 6 mois de taf "en immersion" (connasse, tiens !) ! Parce que la nôtre, de parole, la VRAIE, y a personne qui a vraiment envie de l'entendre !!!
Non, vrai, j'écume, là !!!!!
Je ne parle pas de son livre Anne, parce que je ne l'ai pas lu. Mais il m'a suffi de ce petit reportage bien anodin en apparence pour prendre conscience une fois de plus, de la nécessité de ne pas se laisser manipuler . Parce que tout est récupéré dans cette société. Tout. On joue avec nous, avec nos faiblesses. Le cadre qui cherche du boulot, (j'ai rien contre les cadres, je n'en suis pas, et sans regret), il va naturellement la trouver vachement sympathique cette nana, et il va acheter son bouquin, parce que c'est, à première vue, un bon élément, une femme qui est allée à la rencontre des sans grades, s'est démenée au quotidien, aux côtés des estropiés du boulot, pauvres oui. Et il va lire son récit où elle dit relater, "(...) la solidarité mais aussi les "chefaillons", la lutte pour garder son job.(...)" C'est ce que j'ai entendu qui m'a alertée une fois de plus. Parce que j'ai entre autres, lu l'autre jour une empoignade verbale sur un blog voisin, au sujet de la journée sans immigrés. Je me refuse à cautionner ce genre de truc, mais si tu dis que tu es contre, tu te fais démolir, au nom de la prise de conscience bien pensante que sans les immigrés, notre belle société manquerait de bras pour fonctionner. Peut-être que des gens qui sont favorables à "une journée sans immigrés" et qui payent 20 euros le livre d'Aubenas sont incapables de filer quelques euros à un mec qui leur tend la main dans la rue, et passent sans lui dire bonjour. Je voudrais avoir le courage de tout planter. je ne l'ai pas. Putain, juste essayer de vivre sa vie sans instrumentaliser la détresse et la misère. Ca me tue. L'année dernière, j'ai croisé un mec qui faisait la manche dans la rue, dans la grande ville près de chez moi. Je suis passée sans le voir. Il m'a dit bonjour, et j'ai continué ma route. Il gueulait dans mon dos, ça m'a fait bizarre. J'ai fait demi tour, j'ai pris le billet de 10 euros que j'avais dans mon sac et le lui ai donné, en m'excusant de ne pas lui avoir répondu. Il a fondu en larmes et j'étais bouleversée moi aussi. Il avait raison de gueuler et je le lui ai dit. On est restés un moment à discuter. Je suis remontée dans ma voiture, pas fière de moi du tout, secouée, traumatisée, rageuse de participer à ce monde. Mais n'étais-je pas moi aussi une Florence Aubenas, bien à l'abri dans sa vie confortable ?
Non, tu l'étais pas. Elle, elle va se faire du fric sur le dos de leur détresse. Même durant le temps de son "expérience", elle était ENCORE de son monde, ça n'est pas la vie qui l'avait menée là, mais un CHOIX ! en sachant ce qu'elle allait en faire, de cette expérience !
QUI a jamais donné la paroles aux moins que rien, qui ?
On peut pas tout donner à tout le monde, alors faut oser, oser dire bonjour au type qui tend la main (j'y ai vécu, moi, dans la rue, je peux te dire : dès que tu t'assied par terre pour tendre la main, tu deviens instantanément transparent !) - oser dire "ah, désolée, j'ai rien là", si tu veux pas donner, mais "leur" parler, qu'ils continuent d'être des êtres humains dans le regard des gens, et pas une variété spéciale de mobilier urbain !!
C'est ça le truc, ne jamais oublier que nous sommes DES SEMBLABLES, quelle que soit notre situation !
Ne culpabilise jamais d'être à l'abri, c'est tant mieux ; fais juste en sorte qu'ils existent devant toi, ça ira.
Bises.
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