23 mars 2010

Oser le bien-cuit

C'est un exercice pas facile, le bien-cuit de soi.
Bon, allez, je me jette !
Ça fait bien longtemps que je me connais. Je suis le genre de fille qui peut rester sans téléphoner pendant 10 ans, et puis, un jour j’appelle. Tu n’as pas oublié ma voix bien sûr, mais j’ai tellement déménagé et changé de vie que tu ne sais pas très bien où j’en suis. Prête à divorcer encore une fois ? Est-ce pour ça que je t’appelle? Pour que tu me remontes le moral ou juste parce que je viens de retrouver ton numéro en bougeant mes cartons.. À moins que ce soit parce que j’ai quelque chose à te demander. Entre amis, on ne s’embarrasse pas de faux-semblants. Car au fond, tu sais comme je le sais, que toujours nous nous sommes serrés l’un contre l’autre. Qu’importe le temps passé, on se retrouve comme si on s’était quittés hier.
Je suis speed, tout le temps en ébullition ou presque. J’ai toujours la même idée en tête. Je suis remontée à bloc. Parfois, je débarque à l’improviste avec des bouteilles sous le bras, un stock de clopes et avanti ! On passe la soirée à rire, à danser à boire comme des trous et à refaire le monde. Je m’endors dans ton canapé, et le lendemain, je disparais, en promettant de rappeler. Et pfutt, partie. En route pour de nouvelles aventures. Un coup de fil de temps en temps. Je te raconte un ou deux trucs, promets que bientôt je vais passer et seul le temps passe. Et rien.
Parfois, quand vraiment j’ai la tête qui flanche, tu tentes bien de me dire qu’il faudrait que j’arrête de courir toujours. Que je me pose un peu. Que j’accepte d’être indulgente avec moi-même. Parce que c’est un peu ça mon problème, c’est que je me mets toujours la barre tellement haut que ne me rends pas toujours compte que je suis extrêmement fatigante. Difficile à supporter. Mon côté j’ai tout vu tout entendu tout enduré est parfois tellement énervant ! À côté de ça, je suis tellement cruche des fois, c’est impressionnant de ridicule ! Ce qui est sûr, c’est que je n’ai besoin de personne pour m’interroger pendant des plombes en te disant parfois une chose et son contraire, embarquée par la logorrhée qui caractérise les gens qui s’écoutent parler !
Il m’arrive d’être incroyablement sûre de moi aussi. Enfin ça, c'était surtout quand bien allumée et désinhibée, je dansais seule toute la nuit, envoyant promener les mecs qui osaient venir me brancher. Si forte de mes trente ans resplendissants. Et en fin de nuit ramenant chez moi celui qui ne m’avait pas regardée de la soirée, mais que j’avais vu moi, et choisi. Quel petit monstre! Séductrice, un peu collectionneuse d’aventures sans lendemain. Ça me faisait marrer, jusqu’au jour où j’ai vraiment pleuré. Hé oui, un peu pleureuse aussi, la petite mère! Un peu beaucoup parfois, qui fait semblant d'avoir un rhume soudain devant film un peu nunuche!
Spontanée, énervée, je le suis toujours, mais quand j’étais plus jeune, j’étais une vraie furie. Toi qui m’as vue essayer de casser la gueule à des crétins deux fois plus grands que moi à la sortie d’une boîte de nuit, tu en ris encore aujourd'hui. Je bois trop quand je bois, fume trop quand je fume, aime trop quand j’aime. Une excessive. Parfois j’ai eu du mal à me suivre. Mes frasques m’embarrassaient à jeun. Certains lendemains, dégrisée, je ne croyais pas toujours le récit que tu me faisais de ma nuit d’ivresse ! Mais je ris à en pleurer avec toi de ces souvenirs, car nous sommes frère et sœur de tendresse. Parfois j'émets des sons étranges et gargantuesques, comme revenus d’une jeunesse plus ébouriffante que ma vie d’aujourd’hui.
Toi qui me connais, tu me dis que l'on peut me trouver sympathique ou odieuse, rarement insignifiante. Que je donne parfois une image de moi-même qui n’est pas le reflet de la personne que je suis vraiment. Pas que je joue, mais voilà, c’est mon côté cours après moi que je t’attrape ! Un peu prétentieuse aussi, faut bien le dire. Je préfère être détestée que transparente. Alors parfois, j'en fais un peu trop.
Jamais je ne pourrais t demander de travailler avec moi. Je suis d’une exigence qui frise parfois le ridicule, tellement je m’impose des objectifs qu’on ne me demande même pas d’atteindre. Je me mets toute seule dans des situations impossibles à gérer, juste parce j’ai décidé d’être la meilleure, toujours. Mes colères, rares, sont impressionnantes. Du haut de mon mètre cinquante-six, je fais trembler les murs. Mais pas souvent, c’est vrai. Car je préfère te dire les choses importantes en prenant du recul. Pacifique dans le fond, la Framboise.
Je me suis arrêtée de cavaler enfin. Pour combien de temps, je ne le sais pas. J’ai fêté avec toi mes cinquante ans. Je dis à qui veut l’entendre que je m’en fous, mais ce n’est pas vrai. Je dis que s’il fallait recommencer, je revivrais tout pareil, ou presque. Je consens à présent à évoquer ce presque que j’ai longtemps tu. Cet abandon m'apporte, je crois, une certaine douceur. Que je tente de cultiver sans trop y penser. Je mûris peut-être enfin.
Il y a bien un point sur lequel tous mes amis sont d’accord, c’est qu’on m’aime telle que je suis. Tu aimes mon rire qui résonne encore souvent. Ni le temps, ni la vie ne l’ont jamais effacé, pas plus qu’il n’efface les rides qui me saluent tous les matins.

10 commentaires:

anne des ocreries a dit…

Eh, on a la même taille !
Tu me plais, la Framboise.....:))

gaétan a dit…

J'aime bien "...les rides qui me saluent tous les matins."
M'écouter je retournerais à certaines folies de jeunesse mais bon j'ai sans doute peur de décevoir mes enfants :-) je blague... (pour la peur de décevoir les enfants).
En vieillissant je me rends bien compte que plus je fais taire mon imagination et les folleries qui l'accompagnent moins j'ai d'imagination à faire des folleries.

Blue a dit…

Pour être bien cuit, ça l'est!
Tu manies les mots aussi bien que les poêles !!
Un régal...

Love.
Blue

piedssurterre a dit…

@Anne, je fais seulement 1m56, mais j'ai des jambes de catcheuse bulgare !
@ Gaétan, tu sais de temps en temps, je m'offre une grande follerie, après, j'ai mal à la tête pendant 3 jours. C'est ça qu'est dur, sinon, j'en ferais bien encore toute le temps des folleries !

piedssurterre a dit…

Blue Un bonheur de plus à ajouter à ce que nous venons chercher ici, pour répondre tardivement à ton billet à propos des blogs...

Mek a dit…

Les rides sont des trophées.

Sébastien Haton a dit…

Étonnante, cette histoire de bien-cuit.

piedssurterre a dit…

Un exercice bizarre, en effet. Qui ne peut mettre mal à l'aise à mon sens, que ceux qui n'acceptent pas leur reflet dans le miroir. :-)

Sébastien Haton a dit…

C'est assez vrai, sauf que le reflet dans le miroir n'est pas nous, qu'il inverse tout et qu'il peut même être flou si notre vue n'est pas parfaite... :))
Si j'ai bien compris le principe, je pratique l'auto bien-cuit quotidiennement, par petites touches et pour tous les publics. C'est pas dangereux, docteur.

piedssurterre a dit…

J'aurais peut-être du appeler ce billet : confession d'une myope alors :-)

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